Reprise: la lune des belles fourrures
samedi 9 février 2008, 21:32 General Lien permanent
Zizule a fait un billet sur une entreprise qui fait du tannage, procédé industriel qui peut-être très polluant en plus d'être très mal-odorant. Ça m'a rappelé un billet, un souvenir d'enfance.
La pleine lune me plonge souvent dans un état trouble. Je me souviens d’un ami me montrant fièrement une peau de castor chassé à la lune des belles fourrures. Très difficile de réprimer le goût de caresser ces petits poils très denses très doux, le goût de mettre sa joue sur cette peau et de fermer les yeux pour rêver.
Jeune, j’allais souvent chez cette vieille dame qui mettait l’alun sur les peaux et les frappait de ses bâtons pour les mégir. Enfant je pouvais rester là des heures à suivre ces mouvements précis parfois lents parfois très rapides, une danse à la gloire de ce qu’est l’animal, de ce qu’il peut nous donner de plus tendre, sa peau, son identité. Je sais maintenant que c’est l’odeur très particulière qui m’attirait.
Une fois, c’était une immense peau d’un caribou, une bête énorme, qu’elle frappait avec plus d’attention que d’habitude. Elle voulait créer la plus grande pièce possible pour coudre sans doute un vêtement de cérémonie. Elle faisait de ces gestes une cérémonie, pour développer les outils de la cérémonie. J’essaie de me souvenir de ce qu’elle m’a vraiment appris. Il faut faire de chaque pas, de chaque geste une cérémonie qui célèbre la Vie. La vie en soi-même, qui est le lien qui nous unit à tout ce qui vit, et qui a une égale importance. Je ne peux pas encore vivre comme cette vieille femme. Ma vie est trop bousculée, je suis trop pressé, j’ai tant de choses à faire pour réussir à vivre dans mon monde moderne et développé. Je suis civilisé, et je prends conscience que cela me coupe de ce que je suis, simplement vivant parmi la vie qui m’entoure. Il me faut réapprendre ce qui important. Refaire la simple cérémonie de la vie.
J’étais timide devant les gestes, la danse de la vieille femme. Elle s’est arrêtée, m’a regardé et souri. Elle a retourné la peau du coté de la fourrure, et m’a dit : « viens, c’est une peau de la saison des belles fourrures ». Je me suis couché dessus et elle m’a enveloppé. Les six ans de ma vie sont disparus et j’ai su comment c’était dans le ventre de ma mère. Cette douceur, cette chaleur, ce glissement qui fait qu’on est sans poids, et pourtant la résistance tout autour de nous, c’est lourd, chaque geste est entravé. Et puis l’odeur, complexe, musquée, toujours changeante et pourtant facilement reconnaissable, l’odeur de la vie.
Cette lune, cette pleine lune, me fait désirer retourner à cette odeur. Je toucherai la peau douce, je sentirai le poids de la peau, je ferai la danse, la cérémonie de la vie, pour que l’odeur revienne m’apprendre l’essentiel.
Commentaires
Je suis bouleversée,c'est un billet magnifique et si intime
Enserré peau contre peau, quoi de plus sensuel et de plus doux... De quoi se sentir en pleine vie. De quoi se forger pour toujours le goût des odeurs et des caresses. Un bien tendre souvenir.
Evidemment, ce que je dis, c'est qu'il te faudrait un chat à la ville ! Moelleux, doux et ferme comme un beau fruit dans lequel enfouir son nez pour sentir des odeurs d'herbes et de mousse (et hop, promotion des greffiers, faut enfoncer le clou !).
Très beau ton billet.
hum, meerkat, je serais toi je ferais gaffe au coup de patte d'ursus maritimus ^_^
c'est une très très belle évocation Moukmouk, on se croirait avec toi dans la peau du caribou. et je vois le sourire tout plissé et ensoleillé de la vieille femme...
décidément il y en a des choses addictives dans ton Nord...
Dodinette--) allons tu le sais bien, je le suis de très loin le moins dangereux des ours ( mais s'il te plait ne le dis pas).
Meerkat+ Mamicha--) tout à fait d'accord pour le chat, et puis quand on a faim ça fait un petit lunch à la portée de la patte. Merci pour les mots.
Je n'aime de fourrures que celles de mes chats,ils sont bien nourris.....heureusement tu es si loin....qu'ils peuvent dormir tranquilles!!!
Depuis hier soir que je l'ai lu, ton billet me trotte dans la tête. J'ai réagi à la sensualité du contact avec la fourrure et de l'enveloppement. Mais maintenant je pense au respect manifesté à l'animal. Tout ce soin et ce cérémonial autour de sa dépouille, cette nouvelle vie offerte. Une cérémonie qui célèbre la Vie.
Quand on pense à la façon dont l'élevage industriel traite les animaux.
> Dodinette, coucou, l'Ours aime les chats et pas en fricassée huhu, mais il ne faut pas le dire !
Quelle douceur que cette reprise de pleine lune. Je suis à mon tour touchée par la simplicité de ce partage de sens, par ce peau à peau si vital pour grandir, par cette transmission entre cette femme et toi du respect de la vie, par cette célébration intime qui pourtant vous reliait, te reliait - et te relie encore - à plus grand que toi. Cette peau de caribou n'est pas un objet mercantile, c'est un lien, une interdépendance acceptée, célébrée même. Ton billet est très émouvant, très doux, très expressif. Je mesure à quel point notre civilisation dite développée nous coupe de cette simplicité là. Merci de ce très beau cadeau.
Saveur--) merci merci... j'ai beau lire des trucs de science pour tenter de savoir, mais pour trouver la Beauté du monde peut-être faut-il retourner au plus près de ce que nous sommes.
Meerkat--) tu as raison, ne pas se sentir animal, faire la différence entre les animaux et nous entraine qu'on nie que nous faisons partie de la vie...il devient impossible de la respecter. Pour les chats, chut faut pas dire des trucs comme ça.
Mamicha--) Mais quand un chat accepte le sacrifice pour que la vie continue... tu peux utiliser sa fourrure non? il reste que la notion d"accepter le sacrifice" suppose une vision du monde différente.
D'entrée je préviens l'Ours Polaire que les histoires de fourrure me mettent de mauvais poil et que mon commentaire ne va pas être très sympathique. Cependant la franchise n'exclue pas l'amitié.
S'il le fait de donner sa peau pour servir de carpette devant la cheminée de gens en mal de décor d'autrefois le tente et qu'il trouve que son sacrifice contribue à la nécessaire continuité de la Vie, grand bien lui fasse. Mais en ce qui me concerne, mis à part pour les Inuits ou autres peuples qui vivent dans des conditions nécessitant de se protéger efficacement du froid polaire et n'ayant pas les moyens (ni peut-être le goût) de se protéger avec des "doudounes" d'explorateurs de l'Antarctique, je ne pense pas que le sacrifice d'animaux pour se vêtir, ou pour le simple plaisir sensuel de se rouler dessus, s'impose.
De plus la notion de "sacrifice", qui traîne derrière elle de gros relents d'un catholicisme pas vraiment en odeur de sainteté en cette tanière, me met passablement mal à l'aise. Pour moi l'humain et l'animal sont sur le même plan et je me vois mal m'offrir "en sacrifice" pour permettre à un animal de se tenir le cul au chaud.
Cher Ours, c'est bien évidemment ta réponse à Mamicha qui a déclenché mon besoin de commenter. Mais je pense que tu me pardonneras de ne pas partager ton point de vue sur la continuité de la Vie en ce qui concerne la fourrure des animaux (pour leur chair c'est un peu différent, quoique). Il y a déjà tant et tant de souffrances animales à travers le monde depuis que l'homme s'est industrialisé, que la moindre évocation d'un éventuel "sacrifice", de chat qui plus est, me met en pétard.
Chez moi on ne mange pas de chat ! De plus, l'idée d'un chat offrant sa peau me paraît ridicule. Le chat n'es pas un animal christique, c'est une créature du diable, tout le monde le sait.
Kinka--) Quand je parle de sacrifice, cela n'a rien à voir avec le catholicisme mais tout avec la prédation. J'ai souvent tenté d'expliquer que le prédateur est au service de sa proie, que pour le loup est essentiel au troupeau de caribous. Je partage ton dégout pour la chasse au fusil à lunette, ou la chasse en avion. Mais la relation millénaire qui existe entre l'inuk ou l'homme de la forêt et sa proie, n'a rien à voir avec la boucherie des animaux d'élevage. Il y a un lien d'interdépendance profitable au deux, la preuve ils ont survécu en équilibre, alors que maintenant c'est très loin d'être le cas.
Que des chats soient tués par des vétérinaires et qu'on jette la viande et la peau, c'est pour moi, un manque de respect du cycle de la vie. Un point de vue qui peut te sembler révoltant, mais la mort fait partie de la vie. Je comprends très bien les végétariens, le déséquilibre est tellement grand qu'il peut être souhaitable de limiter la consommation de viande.
kinka> si tu peux supporter qu'on mange l'animal , alors il me semble hautement conseillé qu'on se serve aussi de sa peau ; que ce soit pour des vêtements ou un tapis je ne vois pas ou est le problème .... l'expression de chez nous " dans le cochon tout est bon " me semble applicable à toute bête mangée sa fourure doit servir aussi. sinon alors autant être végétarien .
Moukmouk>toujours aussi beau ce bilet je ressens la même douceur que la première fois que je l'ai lu .
je suis venue lire ce billet plusieurs fois , c'est vrai que cette histoire fait penser à un bel héritage de savoir , de respect de la nature ,de la mort comme symbole de la continuité de la vie pour d'autres ,sauf que nous ne sommes plus dans ce genre de relationnel avec la nature. Rien de comparable avec l'élevage des bêtes en batterie que ce soit pour la viande ou la fourrure , c'est inacceptable et nullement nécessaire aujourd'hui sauf pour le profit . Je trouve le port de peaux rares sur le dos d'humains juste pour mettre sa réussite sur le dos stupide et grotesque .
Bey, je pense que Kinka réagit justement aux animaux tués "pour leur peau". Si tu regardes les fourrures chez nous, ce ne sont pas des animaux dont on mange la chair.
Il n'y a que l'exception, certes conséquente, du cuir.
DDC--) bien sûr, élever des animaux en batterie pour leurs peau, c'est tout aussi manquer de respect pour la vie.
Marianne+ bey-) c'est ce que je tente de dire.
salut Moukmouk,
désolée de ne pas avoir laissé de commentaire plus tôt,mais bon j'avais pas mal de déchets à renifler ces derniers jours, et comme tu sais ils sont très accaparant.
J'avais plusieurs choses à dire :
1° très beau billet
2° beaucoup plus agréable à lire que le mien
3° c 'est fait avec quoi déjà l'alun ?
4° porter des peaux d'animaux ne me choque pas dans la mesure où l'homme l'a fait ces derniers millénaires. Et je préfère asseoir mon cul sur un canapé en cuir plutôt que de voir ce cuir atterrir dans ma décharge au sortit de l'abattoir, si j'ose dire. Le jour où la planète sera végétarienne je m'avachirai dans mon pouf en polyester.
Par contre, de la même façon que tuer un animal pour ne pas se servir du cuir, tuer un animal simplement pour son cuir est tout aussi répugnant.
5° chasser au fusil à lunette ou en avion n'est pas un problème en soi. Le problème est que le poisson ou le chevreuil chassé n'a pas eu le temps de s'y adapter. L'Homme invente ses astuces de chasseur trop vite, la Biosphère n'a pas le temps de s'y adapter.
6° sinon vous saviez que le poil du castor est creux ?
et que celui du cougar ne gèle pas
7° blabla