La femme-oie
jeudi 28 février 2008, 18:07 General Lien permanent
Retour aujourd'hui chez le dentiste pour qu'il finisse le travail. Théoriquement ça fait moins mal, mais je ne prends pas de risque, j'ai fait le billet avant. La transformation des humains en animaux (ou le contraire) est très courante dans les récits Inuits. Ils font parti des passeurs, ces êtres particuliers qui permettent le passage entre les deux mondes.
Les plus courants sont les enfants qui naissent filles on garçons, mais qui sont la réincarnation d'une personne de l'autre sexe. Il faut les élever comme des enfants de l'autre sexe, et souvent ils deviennent les conteurs et les Angakkuq de la communauté, et auront une grande importance dans l'éducation des autres enfants et dans l'organisation de la mémoire collective.
Des contes d'une femme qui se transforme en oie, il y en a dans toutes les civilisations. Ce serait un sujet d'étude fantastique pour un universitaire, permettant de comparer les civilisations à partir des variantes locales de ce conte.
Voici un court extrait de la version de Puivurnituk:
L'homme n'était pas vraiment mauvais, mais il avait été très malheureux à la chasse et ne réussissait pas à nourrir les gens de son groupe. La femme lui répétait qu'il faut faire quelque chose, que la réserve était vide, et que bientôt des gens du groupe ne pourraient plus survivre.
Il revint épuisé d'une très longue journée de chasse avec deux petites perdrix pour nourrir 12 personnes. Il était très triste et frustré de n'avoir trouvé mieux. La femme se plaignit encore... et il frappa. Un grand silence se fit dans la communauté et l'homme alla s'assoir sur une grosse pierre sur le rivage.
Le lendemain, un vent du sud portant haut dans le ciel de grands vols d'oies, fit naître un goût de printemps. La femme dehors supplia les oies de descendre et de venir nourrir son groupe. Une seule descendit et parla à la femme: nous allons aux nids, nous sommes trop maigres pour nourrir ton groupe. Mais si tu veux venir avec nous, tu seras libéré de sa colère.
L'homme vit s'envoler deux oies, et comprit. Il pensa tirer de son arc, mais cela ne ferait que tuer, sa faute ne serait pas réparée. La violence dans le groupe ne produit que de la douleur pour tout le monde.
Il faut répéter très souvent cette histoire, pour rappeler à tous que la violence ne résout pas les problèmes du groupe.
Commentaires
Ici, en ces temps de campagne électorale, ça fait du bien d'entendre ça.
C'est une idée très chouette cet enregistrement sonore, tu nous donnes accès à la musique de cette langue. Merci de ce partage.
En revanche, je ne connais pas d'autres contes de femme oie, je vais chercher...
Chez les Maoris, on trouve une tradition semblable d'élever des garçons comme s'ils étaient des filles. On les appelle des RAE-RAE, c'étaient des personnages très respectés même si aujourd'hui ce terme désigne plutôt des travestis.
Plus proche (pour les occidentaux !), c'est la vision de Carl Jung avec l'animus et l'anima, les deux composantes homme & femme que nous avons tous, à des stades plus ou moins développées, plus ou moins conscients. Si nous ne sommes pas en paix en nous même avec ces deux composantes, comment être en paix dans le monde ? Cela me semble incompatible, non ?
Comme le montre si justement ce conte, la violence est souvent un aveu de faiblesse, l'extrême limite d'un être qui se perd dans les méandres d'une vie qui ne ressemble ni à ses espérances, ni à l'attente de toute une société.
Mais franchir cette limite ne peut qu'apporter l'exil.
Bien dit...
Dom--) je suis content de te lire à nouveau... Tu as bien raison, mais l'insistance à décrire l'homme comme non violent vient de ce que la violence entre membres du groupe est un tel danger, que de décrire le chasseur comme violent est presque impossible. Mais il n'y a pas de doute, il y avait aussi des Inuit violents.
Saveur--) oies, grues ou autres grands oiseaux migrateurs. Des grands oiseaux qui font rêver de liberté. Pour Jung, Je sais que je devrais étudier ces pistes que sont les inconscients collectifs etc... comme bien d'autres trucs.
Mère Castor--) Si le Nabot peut avoir la défaite qu'il mérite, j'en serais bien heureux
Ah!!l'Arc et la fleche! Ne sommes nous pas tous des arcs qui tendons la Fleche? Tendre , tendu ,tension,douleur...douceur, moelleux, tendresse?J'espere que tu ne souffres pas trop!
Tu devrais faire gaffe au miel!
J'ai bien aimé l'enregistrement, c'est beau, c'est comme une chanson.
Ce conte devrait être raconté à beaucoup d'hommes et de femmes, la réponse violente est encore trop pratiquée.
Il a compris un peu tard...
Je ne connais pas d'autre femme qui se transforme en oie, ou même en oiseau. Peut-être ma connaissance des contes est-elle trop limitée?
Bismarck--) J'en connais plusieurs mais C'est le conteur et grand spécialiste du conte Jocelyn Bérubé qui m'a mis sur cette piste passionnante. Si ça T'intéresse particulièrement fais-moi signe.
Sara--) une des grandes fonctions du conte, le transfert des normes morales.
Véro--) je vais survivre ( peut-être).