Reprise: Dieu a soif!
samedi 22 mars 2008, 21:01 General Lien permanent
J'ai retrouvé ce texte avant hier. Il est encore exacte, et j'ai encore envie de crier le danger que les sables bitumeux représente.
C'était un cri de ralliement des Croisés: Dieu a soif du sang des infidèles. Et puis je me suis aussi souvenu d'une phrase d'un mineur: « avant ça prenait la foi pour déplacer des montagnes, maintenant on a l'équipement». C'est ce qui me venait à l'esprit en lisant le papier d'Hervé Kempf que Dieu Des Chats portait à mon attention et me demandant mon avis...
Hervé Kempf fait dans Le Monde, un honnête travail de reportage. Il voit et raconte l'exploitation des sable bitumineux de l'Arthabasca. Cependant, s'il avait eu le temps de creuser un peu, il aurait pu vous dire beaucoup plus. Par exemple, que c'est de loin la plus grande mine du monde, avec un territoire d'exploitation un peu plus grand que la Belgique. C'est la plus grande réserve de pétrole du monde, juste après l'Arabie Saoudite, et encore celles de l'Arabie Saoudite sont largement surévaluées.
Le principe d'exploitation des sables bitumineux (ou bitumeux selon les dictionnaires) est simple, sous une couche d'une cinquantaine de mètres de dépôt meuble, une couche d'aussi cinquante mètres de sable gorgé d'un pétrole très lourd. Alors on enlève la couche du dessus et on met les sables dans les plus gros camions du monde, qu'on amène à une usine. Dans cette usine, avec des jets de vapeur on lave le sable, on récolte ce goudron qu'on transforme avec des produits chimiques très polluants en pétrole exploitable par les raffineries.
Ça prend beaucoup d'eau, trois tonnes par tonne de pétrole produit, eau qui sera à jamais souillée, et beaucoup d'énergie pour faire de la vapeur avec cette eau. De fait pour produire un million de tonnes de pétrole par jour, ( 6-7% de la consommation mondiale) les usines produisent 20% ( 25 des 127 mégatonnes en 2004) de tous les GES (gaz à effet de serre) du Canada. Toute cette eau souillée coule vers l'Arctique et pollue un territoire plus grand que la France. Il n'y a pas de problème, cette grande plaine n'est occupée que par des indiens Dénès, dont personne n'a entendu parler et qui n'ont pas droit de parole. Si les lois canadiennes étaient appliquées sur ces espaces, il n'y aurait pas d'exploitation possible des sables bitumineux.
Nous savons maintenant qu'il y a des projets, de Chine, d'Europe et surtout des USA pour faire porter cette production à 5 millions de tonnes par jour le plus rapidement possible (quand même une dizaine d'année) ce qui représente des investissements de plus 150 milliards de dollars, probablement 200 milliards. Dans un tel contexte c'est bien difficile de faire respecter des lois. L'industrie nie que ce soit possible, mais le rythme des annonces de projets de 5 à 20 milliards ne laisse plus place au doute.
Ce qui veut dire que la seule exploitation des sables représentera une production de GES plus importante que toutes les autres sources au Canada, et faisant de chaque Canadien de loin les plus grands pollueurs de la planète. Mais comme le pétrole vaut cher et pollue on a mis en chantier deux centrales nucléaires qui produiront la vapeur pour nettoyer le pétrole.
L'actuel gouvernement conservateur est un farouche défenseur des pétrolières. C'est pour cela qu'il fait tout pour soustraire le Canada des accords de Kyoto. Ce gouvernement tombera le mois prochain et il y aura des élections qui porteront entre autres là-dessus. Les USA font d'énormes pressions, parce que maintenant qu'ils ont perdu la guerre d'Irak, ils ont besoin de pétrole et le Canada représente le plus grand espoir. Pour les Canadiens nous avons un espoir de mettre fin à cette folie, mais il y a tous ceux qui rêvent d'emplois très bien payés (les salaires y sont 10 fois plus élevés que dans le reste du pays), tous ceux qui ont peur du grand voisin, tous ceux qui regardent d'abord les cotes de la bourse. La bataille n'est pas gagnée.
Mais ce n'est pas qu'un problème canadien. Quand on pollue à ce rythme et à cette échelle, c'est toute la planète qui est affectée. Nous parlons d'un projet représentant plus de 20% de la consommation du monde. Votre niveau de vie, vos façon de faire, vos emplois sont aussi en cause.
Et puis toute cette eau chaude déversée dans la plaine glacée de l'Arctique contribue largement au développement des micro-organismes qui transforment des sols autrefois gelés et produisent d'énormes quantité de GES. Faire des économies d'énergie chez vous, je veux bien, mais si cette bataille là n'est pas gagnée, tous vos efforts sont vains.
Le Dieu Dollar a soif, il serait temps de choisir votre camp.
Commentaires
De tous temps le Dieu dollar a un regard de vampire que rien n'arrête, ni l'environnement, ni les hommes qu'il a massacrés, détruits, ni la vision d'un avenir de plus en plus sombre.
Le Dieu Dollar n'a-t-il donc pas d'enfants pour qu'il puisse ne songer qu'à l'instant délaissant les générations futures, dont leur descendance, qu'un champ de ruine ?
Il faut agir...mais comment lutter ? C'est par trop inégal.
Oui le dieu dollar a des enfants. Ils sont soldats et meurent pour sa plus grande gloire.
Effrayante marche vers quoi ?
La croissance mène vers un désastre que tu peux voir aussi bien que moi. On peut bien parler du réchauffement, des mers sans poisson, de la désertification, etc... Ce n'est pas la disparition des humains qui m'inquiète vraiment, mais l'immense douleur qui accompagnera cette disparition.
Et l'aveuglement, les profits cyniques, la ruine du monde, la souffrance de l'innocent et finalement notre sentiment d'impuissance.
selon André Gorz “la décroissance est donc un impératif de survie. Mais elle suppose une autre économie, un autre style de vie, une autre civilisation, d’autres rapports sociaux. En leur absence, l’effondrement ne pourrait être évité qu’à force de restrictions, rationnements, allocations autoritaires de ressources caractéristiques d’une économie de guerre. La sortie du capitalisme aura donc lieu d’une façon ou d’une autre, civilisée ou barbare. La question porte seulement sur la forme que cette sortie prendra et sur la cadence à laquelle elle va s’opérer”.