Reprise : Les plus grandes amours
samedi 19 avril 2008, 21:19 General Lien permanent
Il fait tellement beau à Montréal que j'ai le gout d'aller faire un tour en kayak sur la mer. Grosse chance, qu'actuellement des patins soient plus utiles qu'un kayak. Reprise donc d'une petite ballade en kayak.
La grandeur des amours n’a probablement rien à voir avec la taille du corps. Pourtant, je suis presque sur que rien ni personne ne peut aimer autant qu’en baleine amoureuse. Si je ne connais pas les amours des cachalots, les amours des bleues et des mégaptères sont proprement gigantesques.
Je me rappelle il y a de cela deux ou trois ans, nous étions en excursion de kayak de mer dans l’archipel de Mingan. Pour profiter tant que faire se peut des courants de marrées favorables, nous étions partis avec les premières lueurs de l’aube. Un immense soleil émergeait nous aveuglant complètement d’un liquide presque doré. Nous dûmes virer vers un petit passage entre deux îles, pour voir quelque chose. Il reignait un tel calme, une tel absence de tout bruit qu’il devient bien y avoir une raison.
Même les oiseaux de mer tellement nombreux dans ce coin, tellement braillards et frénétiques, respectaient une pose parce qu’un miracle de beauté était en train de se produire.
Les chasseurs de phoques savent faire glisser le kayak sans aucun bruit, et c’est à cet art respectueux de ce monde que je me livrais quand je les ai vus : un couple de grands rorquals bleus, totalement immobile dans ce chenal très calme, et tout cet univers attentif à ce qui allait se passer : le chant d’amour de monsieur pour madame…
Il se tenait suffisamment près d’elle pour que l’onde sonore n’ait pas la distance pour se développer vraiment en son, mais la prodigieuse puissance de ce chant fit vibrer la terre elle-même sur un large espace. Le son n’avait pas besoin de passer par les oreilles, la peau tout entière de la dame entendait le discours amoureux.
Et puis moi aussi à travers la mince coque du Kayak, j’ai senti la seule vérité de ce monde, continuer, l’appel de la vie à se poursuivre, à faire mieux par le geste d’aimer. La puissance de ce chant était si grande que je fus tout de suite en état d’amour, sans la tension du corps, sans la frénésie de l’action, mais dans la complète extase de participer à l’amour, à sa naissance même.
Et puis madame souriant à l’invite glissa vers des profondeurs où ils ont refondé l’espoir.
C’était fin septembre.
Maintenant, le golfe Saint-Laurent est plein de jeux de cris de joie de petites invites et de refus presque niés. La recherche du partenaire commence à la fin juillet pour les baleines bleues, et se poursuit jusqu’en septembre ou octobre, jusqu’à ce que le miracle se produise…
Un chant pris il y a quelques jours. Pour que vous puissiez l’entendre, il est accéléré 40 fois… Les baleines peuvent chanter relativement haut mais les grandes bleues ont un registre pour la majorité en dessous de notre seuil de perception auditive.
Commentaires
Cris de joie et petites invites, c'est un chouette de programme de journée. L'amour sans la tension, sans la frénésie. Sans possession, non ? Sans domination, aussi, pour faire écho à ton joli texte d'hier. Cela doit être magique d'être enveloppé et transpercé de sondes d'amour de la baleine...Ours chanceux !
Merci pour les merveilles de la Nature, que tu nous contes.
Un chant à écouter avant d'aller se coucher, ça promet de beaux et doux reves.
Accéléré 40 fois? Ça doit "prendre aux tripes" alors en réalité.
J'aimerais bien essayer le kayak dans un endroit peuplé de baleines. La mer m'angoisse énormément (ne pas voir le fond), mais je serais prête à avoir un moment de trouille pour voir et entendre des baleines.
et ça : c'est trop la classe !
de beaux souvenirs et de belles règles de vie