Il est trop tard—Précision
samedi 26 avril 2008, 00:30 General Lien permanent
Le titre de mon billet d'hier, et peut-être son contenu, prête à confusion. Comme je parle souvent des conséquences des changements climatiques, je pense qu'il est très important que je précise ce que j'ai voulu dire.
Je ne crois pas qu'on puisse lire mon billet comme disant : c'est la fin de l'humanité. Ce que je dis c'est qu'il est trop tard pour éviter les chocs que provoqueront les changements climatiques. Je réagis évidemment à la critique d'Anita, qui dit : a) que l'humanité a toujours réagi aux changements climatiques b) que les politiques vont mettre en place des mesures quand ça chauffera trop c) que ce qui sera un changement ne sera pas forcément négatif. J'espère bien résumer sa critique, et je vais essayer de m'expliquer clairement là-dessus.
a) Il est indubitable que les humains, comme tous les autres animaux ont toujours réagi aux changements climatiques. Les humains comme tous les autres animaux sont régis par la règle de la disponibilité de nourriture. Le nombre des membres de chaque espèce est aussi grand que la disponibilité de nourriture pour cette espèce. Mourir de faim, n'est pas l'exception, mais la norme. Pour une fourchette climatique donnée, il s'établit un équilibre dynamique entre les espèces. J'ai souvent dit que l'utilisation des engrais azotés depuis 1950 explique comment la population humaine est passée de 2 à 7 milliards. Un autre bon exemple d'adaptation des populations aux changements climatiques est « le petit age glaciaire »au 14ième siècle. La population de la Terre a diminué de 25% à 45% selon les auteurs, mais l'humanité s'est adaptée, comme elle s'adaptera au prochain changement. Et oui l'augmentation très rapide du prix des engrais azotés provoquera probablement plus de morts, mais il faut bien voir que les deux phénomènes sont liés.
b) « Les politiques vont mettre en place des mesures quand ça chauffera trop. » Là, je suis en total désaccords. Ça chauffe trop depuis au moins 15 ans, et nos politiques nous parlent encore de croissance économique, de travailler plus pour gagner plus et d'expansion des marchés. Nous sommes entrés dans une crise économique et la sortie qu'invente nos politiciens est de créer de la monnaie pour que nous achetions plus, pour que nous détruisions encore plus, avec pour résultat que les gens des pays pauvres vont plus mourir de faim. Des mesures politiques seraient possibles mais il n'est pas politiquement envisageable de les mettre en place. Qui osera dire qu'il faut garder tout le pétrole qui reste pour l'agriculture?
c) Ce qui sera un changement ne sera pas forcément négatif. Bien sûr. Après le petit age glaciaire, il y a eu la Renaissance. Le changement se produira, et de la qualifier en terme de bien ou de mal, de plus ou de moins ne change rien à sa réalité. Sauf que plus on en parle, plus on réfléchit sur le sujet, plus on a de chance de diminuer les effets négatifs dans la transformation.
Que la population de la Terre diminue ce n'est pas forcément mauvais, mais je n'aime pas compter des morts. La dématérialisation de la Culture ( la fin des livres, des journaux, des revues etc.) n'est certainement pas mauvaise si elle permet une démocratisation des contenus (sur support informatique). La fin de la folie de la consommation ce n'est certainement pas mauvais, mais ça implique une totale réorganisation du travail, et une redistribution très différente de la richesse.
Forcément, on va y arriver. Travaillons à ce que la transition ne soit pas trop pénible.
Commentaires
La "quand y a la feu au derche" de mon commentaire ne signifiait pas augmentation des celsius, mais "impossibilité de faire autrement".
Je ne crois pas à la vertu anticipatrice de l'être humain sur le long terme, du moins pas dans les phénomènes de masses. Tant qu'il a des volants d'adaptation qui maintiennent le système, il les utilise, fut-ce à un prix exorbitant, et d'autant plus peut-être , que le système est délétère.
Je le pense très fort pour l'intra-psychique, j'extrapole peut-être en ce qui concerne les mouvements historiques.
C'est pourquoi certaines choses ne peuvent évoluer que sous forme de crises, parce qu'il faut que les systèmes défensifs qui protègent, s'effondrent. Bien sûr, cela ne dispense pas de l'action individuelle, mais Gandhi lui-même n'a pu apparaître que parce que quelque chose avait commencé à lâcher dans l'Empire.
De même, quand tu dis "il y aura des morts", cela fait naître une évocation de morts massives liées au changement. C'est oublier que depuis longtemps il y en a, des morts, silencieuses et scandaleuses.
Une limitation de la population, ce n'est pas forcément des morts.
L'effet paradoxal de ton article précédent, c'est de présenter la tranche d'ère du XX siècle comme un âge d'or en passe d'être révolu. Or, cela n'a été un age d'or que pour une infime fraction, comme toujours.
Par ailleurs, je suis tout à fait d'accord avec la fin de ce post-ci: nous avons à refléchir sur le prix que nous acceptons de payer (de faire payer?) ces changements.
J'avais posté une participation à ce débat chez Oxygène qui avait elle-même écrit un billet à la suite du tien précédent. Je n'avais pas lu Anita, mais il semble bien que nous sommes assez proches.
Tes précisions sont en effet utiles, cher Ours, non qu'elles contredisent ce que tu as écrit, mais elles le complètent et sont conformes à ce que j'ai compris de ta pensée, en général. Tu permets j'espère que je dise une chose pareille, ta Pensée.
Alors, poursuivons nos réflexions et nos échanges, mais surtout nos réflexions. Ce sera le meilleur moyen de trouver, un jour, les moyens de s'adapter, en nous et autour de nous.
Pour finir, je précise @ Anita que la question n'est plus de savoir si nous acceptons de payer le prix. Nous avons déjà trop usé de tout, et comme celui qui sort avec un charriot trop plein du magasin par rapport à ses véritables besoins, il est sorti il doit payer. Nous n'avons plus le choix d'accepter ou de ne pas accepter. Nous devrons payer, et nos enfants. c'est ainsi. D'où le terme utilisé par l'Ours, "trop tard".
Attention: ne jamais en faire une question de morale. Nous ne sommes pas coupables de nos trente glorieuses, ni de nos modes de vie actuels. Nos modes de vie sont ainsi, et va donc essayer d'aller à ton travail à pied et te faire la cuisine sur un modeste brasero dans un coin de Paris ou de Toulouse, laver ton linge en lui tapant dessus au lavoir d'en bas de la rue, et toutes ces choses. Bien sûr je caricature, bien sûr que nos petits gestes ne changeront pas la donne; pour revenir sur un débat ancien chez l'Ours, ils n'ont d'utilité, ces petits gestes (trier, récupérer, réparer, éteindre la lumière et arroser à l'eau de pluie, ...) nous enseignent et à nos enfants qu'un jour proche, ce sera devenu obligatoire.
Notre seule et grave responsabilité, est de dire ce que nous avons à dire, inlassablement, et d'y penser chaque matin en se rasant. Enfin, Anita, le matin, tu fais ce que tu veux, hein, mais tu y penses.
Un truc à ne pas oublier, surtout: bien repérer comment sont faits les alentours du Mont Ararat. Apprendre l'Arménien, le Turc, le Kurde et le Persan. Histoire de ne pas se perdre quand nous sortirons de l'Arche et de demander son chemin.
Andrem: nous sommes bien d'accord. Il y a toujours un prix. Mais on peut choisir lequel. Par exemple, me battre pour que chaque famille occidentale ait un écran plasma dans la chambre de chacun de ses enfants. Ou pas.
Et non , je ne me rase pas tous les matin. Mais je me brosse les dents, ça fait penser. Et parfois, je rase parfois les autres.
Andrem--) Je sais que ce sont des images mais, la brasero je suis contre, c'est très polluant, ça prend des fours solaires, ou des fours électriques (électricité provenant de sources propres ( vent marée etc). Et puis cesse de te raser, ça consomme de l'eau et de l'énergie. Brossons nous les dents.
Anita--) j'ai trouvé une grosse contradiction dans mon texte. Ça m'énerve... Oui les politiques agiront quand la pression sera plus forte, et je dis presque le contraire par imprécision. Augmenter la pression c'est la première tâche ( raser, plus qu'arrêter de se raser).
Mais un exemple, je dis depuis au moins 10 ans, et je le répète chaque fois que j'ai une chance, qu'il faut tout de suite faire cesser la pêche au chalut. Maintenant il est trop tard pour les poissons. Même si on cessait la pêche industrielle tout de suite, les stocks ( yeurk!!!!) ne reviendront pas avant 40 ans, les 35 ans sans les protéines provenant des poissons ça va vraiment tuer beaucoup beaucoup d'humains.
Ah beh ouf, je peux émerger un petit bout de tête de mon terrier où je m'étais hier précipitée ? C'est plus facile pour me raser les moustaches. oui, je m'en vais vite vite, pataper L'Ours, Anita et Andrem !
Meerkat: Voyons! la situation est déjà assez triste comme ça, on commencera pas à se prendre au sérieux.
Après le petit âge glaciaire, il y a eu la Renaissance, dis-tu, mais l'homme et son activité n'étaient pour rien dans ce petit âge glaciaire, ça fait une sacrée différence avec notre époque. Gardons les yeux, la bouche et le cœur ouvert. Quant aux petits gestes, même s'ils ne servent à rien, continuons.
Mère Castor--) un fois que nous sommes dans le problème, je ne vois pas vraiment la différence, peut-importe qui en a la responsabilité, il faudra s'adapter. Et les petits gestes nous permettent de dire qu'il est nécessaire aux politiques de faire les gros.
Il nous faudra bien un jour payer notre dette écologique vis à vis des pays que nous polluons de nos déchets industriels. Un jour ils refuseront de les traiter même contre payement . Il me souvient d'un bateau le Clemenceau qui fit un beau voyage pour revenir au point de départ ,alors ne voulant pas s'auto détruire on trouvera d'autres moyens de fonctionner. Nous sommes du côté des privilégiés , gardons nous d'être donneur de leçons mais tentons d'agir la ou nous le pouvons . La fin de la folie de la consommation je n'y crois pas mais une consommation différente elle est déjà en marche.
Je suis très soupconneuse sur les catastrophes annoncées . J'ai comme l'impression que l'on veut me vendre une entourloupe alors je cherche à comprendre .
Enfin bravo pour les échanges c'est instructif , continuons , continuons ....
fiat lux