Les marchés

Petits billets parisens. Oui je serai au Paris-Carnet ce soir, si ça vous tente. Je sais il est trop tard, mais je suis disponible pour d'autres rencontres.

L'avantage d'habiter un quartier populaire, c'est qu'il y a des marchés. Deux marchés à moins de cinq minutes de marches, moi, je dis que c'est le luxe des pauvres. Il y a le monde entier qui vient au coin de la rue et qui ne demande qu'à se laisser apprivoiser.

Le mardi et le vendredi, c'est l'immense marché du boulevard de Belleville qui s'étire à vue de pieds sur plus d'un kilomètre, du Métro Belleville jusqu'à Mesnilmontant. Un peu chinois, un peu Proche-oriental et assez Nord-Africain, les odeurs de tant d'épices saoulent alors que les tonitruants vendeurs chantent dans une  langue étrange, une sorte d'incantation pour nous faire entrer dans la transe de l'achat.

Toutes les femmes qui ne sont pas cachées sous trop de couches de tissus sont de belles gazelles, et moi, ours pourtant rond, on m'a appelé "l'athlète". Au début de la marche, non je ne voulais rien acheter, mais plus je marchais, plus l'incantation devenait efficace, et presque à la fin, au moment où les vendeurs bradent pour ne pas avoir à remballer, les cris montent, la prière aux dieux marchants se fait plus intense, et les lots deviennent si incroyables qu'on achète la merveille inutile à prix dérisoire mais infiniment trop cher parce que d'aucune utilité. Enfin le gros lot de tomates pas très gouteuses je pourrai toujours en faire une sauce. Mais l'étrange cari, à l'odeur unique, je pense que je vais le jeter tout de suite, peu de chance que je l'utilise.

Pour revenir, il y a bazar sur le trottoir. J'aurais envie de dire marché aux voleurs tant ce serait le cas dans un pays moins policé que la France. De tout, mais rien de vraiment utile. Je me demande comment ces marchands font pour vivre. Il y a d'impressionnants ayatollahs qui te regardent avec des yeux sombres, méprisant le consommateur dépravé que tu sembles être mais réclamant quant même les sous pour survivre. Il y a des petits hommes proche orientaux qui se cachent derrière la marchandise, de fiers africains au large sourire, mais pas de femme, comme si vendre était un acte sexuel. 

Le mercredi et le samedi, c'est marché sur le boulevard de la Villette, beaucoup plus bo-bo et français. Difficile de savoir si les produits sont de meilleur qualité, mais ils sont certainement mieux présentés. La harangue est aussi plus discrète et on voit la France telle qu'elle est à la télé.

Je me suis étonné de voir les super-marchés, surtout ceux qui s'affirment premier prix, tellement sales qu'ils ne survivraient pas six mois dans une Amérique tellement propre que ça génère des allergies. Mais peut-être veulent-ils reproduire l'athmosphère des marchés, ce lieu de tous les échanges depuis que les humains se cotoyent.