Fuir le bonheur

Constance  a écrit deux textes magnifiques qui tentent de décrire les sentiments d'un homme qui fuit l'amour d'une femme, qui fuit son bonheur. J'ai quelques fois tenté de mettre des mots dans la bouche d'une femme qui me fuyait après m'avoir dit qu'elle m'aimait. Je vais tenter de recréer le discours dans la tête de cet amant fuyant l'amour.

Je t'aime, c'est certain. Je reconnais la même douleur, le même déchirement que je tente d'éviter. Encore une fois, je suis tombé dans le piège. Je me croyais assez fort, capable de jouer de l'émotion, de n'être que passion et désir, te toucher et m'en sortir indemne. Mais non je n'ai pas réussi, la vérité m'a rejoint au plus profond de moi. Et ça fait si mal que je n'ai de choix que de fuir.

Tu ne me demandes rien. Rien, sinon cette main qui te touche, ces lèvres et te font vibrer. Rien sinon la vérité du contact, la certitude que ce geste est possible et qu'ensemble nous pouvons vivre des moments de bonheur, qu'ensemble nous pouvons vivre.

Tu ne me demandes rien, même pas la vérité, simplement de continuer à être ce que j'ai dit de moi, même si nous savons tous les deux que les mots sont affreusement menteurs. Nous avons assez vécu pour savoir que tous les mots ne sont que des façades en toc qui montrent en cherchant à cacher, mais qui servent encore parce que nous ne voulons pas vraiment savoir. Le décor de nos vieux mots est trop troué pour nous cacher derrière, mais je veux tellement y croire, c'est mon dernier espoir de me voir encore vivant.

Et voilà que je constate encore une fois qu'on aime que nu. Le désir et la passion s'accommodent bien des costumes de théâtre, des habits qui font les moines, des déguisements de toutes natures. Mais pour t'aimer, je dois être nu, et cela j'en suis maintenant incapable.

Sans mon armure, je suis beaucoup trop vulnérable et fragile. Sans tous ces pansements, mes blessures me saigneraient à mort. Ce n'est pas que j'ai peur que tu me voies mourir, c'est que je ne peux plus simplement me voir, prisonnier de mes échecs, de toutes ces vieilles douleurs qui me paralysent.

Ce n'est pas toi que je fuis, mais moi. Tant que j'ai cru possible de jouer le jeu, de maintenir mon personnage, de jouer l'amoureux je pouvais t'entendre et te voir, mais maintenant je sais que je t'aime, et cela je ne le peux plus. Je me fuirai dans ce refus de ce que je suis, en disant que tu n'en vaux pas la peine, que le risque n'en vaut pas la chandelle, et que cette chandelle de la passion n'éclaire plus rien dans ma vie. Mais c'est ta lumière que je fuis, celle qui me montre à moi ce que je suis.

J'aime mieux me montrer comme le dernier des salauds que comme le dernier des misérables.

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Ça n'a rien à voir avec ce que je suis, bien que des sentiments semblables ont pu me traverser l'esprit il y a quelques années. Je suis un amoureux et l'amour m'éclaire et me rend heureux. C'est probablement pour ça que j'ai pu écrire ce texte.