Fuir le bonheur
vendredi 13 novembre 2009, 20:44 Nokosa et l'amour Lien permanent
Constance a écrit deux textes magnifiques qui tentent de décrire les sentiments d'un homme qui fuit l'amour d'une femme, qui fuit son bonheur. J'ai quelques fois tenté de mettre des mots dans la bouche d'une femme qui me fuyait après m'avoir dit qu'elle m'aimait. Je vais tenter de recréer le discours dans la tête de cet amant fuyant l'amour.
Je t'aime, c'est certain. Je reconnais la même douleur, le même déchirement que je tente d'éviter. Encore une fois, je suis tombé dans le piège. Je me croyais assez fort, capable de jouer de l'émotion, de n'être que passion et désir, te toucher et m'en sortir indemne. Mais non je n'ai pas réussi, la vérité m'a rejoint au plus profond de moi. Et ça fait si mal que je n'ai de choix que de fuir.
Tu ne me demandes rien. Rien, sinon cette main qui te touche, ces lèvres et te font vibrer. Rien sinon la vérité du contact, la certitude que ce geste est possible et qu'ensemble nous pouvons vivre des moments de bonheur, qu'ensemble nous pouvons vivre.
Tu ne me demandes rien, même pas la vérité, simplement de continuer à être ce que j'ai dit de moi, même si nous savons tous les deux que les mots sont affreusement menteurs. Nous avons assez vécu pour savoir que tous les mots ne sont que des façades en toc qui montrent en cherchant à cacher, mais qui servent encore parce que nous ne voulons pas vraiment savoir. Le décor de nos vieux mots est trop troué pour nous cacher derrière, mais je veux tellement y croire, c'est mon dernier espoir de me voir encore vivant.
Et voilà que je constate encore une fois qu'on aime que nu. Le désir et la passion s'accommodent bien des costumes de théâtre, des habits qui font les moines, des déguisements de toutes natures. Mais pour t'aimer, je dois être nu, et cela j'en suis maintenant incapable.
Sans mon armure, je suis beaucoup trop vulnérable et fragile. Sans tous ces pansements, mes blessures me saigneraient à mort. Ce n'est pas que j'ai peur que tu me voies mourir, c'est que je ne peux plus simplement me voir, prisonnier de mes échecs, de toutes ces vieilles douleurs qui me paralysent.
Ce n'est pas toi que je fuis, mais moi. Tant que j'ai cru possible de jouer le jeu, de maintenir mon personnage, de jouer l'amoureux je pouvais t'entendre et te voir, mais maintenant je sais que je t'aime, et cela je ne le peux plus. Je me fuirai dans ce refus de ce que je suis, en disant que tu n'en vaux pas la peine, que le risque n'en vaut pas la chandelle, et que cette chandelle de la passion n'éclaire plus rien dans ma vie. Mais c'est ta lumière que je fuis, celle qui me montre à moi ce que je suis.
J'aime mieux me montrer comme le dernier des salauds que comme le dernier des misérables.
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Ça n'a rien à voir avec ce que je suis, bien que des sentiments semblables ont pu me traverser l'esprit il y a quelques années. Je suis un amoureux et l'amour m'éclaire et me rend heureux. C'est probablement pour ça que j'ai pu écrire ce texte.
Commentaires
Beau texte qui sonne juste.
Tu m'offres là, une autre façon de voir les choses, tu donnes un autre éclairage à cette histoire lue pas un homme. Cette histoire, bien que fiction, ressemble à la vie. Beau texte ! Certains hommes seraient donc plus fragiles qu'ils ne le laissent paraître ? A méditer ... Merci Mouk.
Ton texte me fait penser à une lecture que j'ai faite hier :
"on est parfois obligé de constater qu'après des années de vie commune avec une autre personne, on ne la connait pratiquement pas ; on est resté étranger l'un à l'autre. J'en ai personnellement fait l'expérience pendant quinze ans. Deux êtres peuvent partager une vie entière sans s'être vraiment rencontrés ; ils se sont branchés sur la même chaine (de TV), au départ, un point c'est tout. De temps en temps, leurs programmes ont coïncidé, mais pas eux, pas leur vies." Charlotte Joko Beck
L'homme dont tu parles préfères donc zapper et aller chercher ailleurs un nouveau spécimen humain qui ressemblera tellement à celui qu'il vient de quitter, à moins qu'il ne se décide à se demander qui il est vraiment. Je lui souhaite !!!
Saveur(s)--) Oui, il y a des hommes comme des femmes qui refusent de se voir de se sentir... et comment être amoureux ? Et quand deux personnes refusent d'être autre chose que l'image qu'ils se sont créées d'eux-mêmes, il n'y a pas de rencontre, simplement une marche en parallèle.
Constance--) tous les humains sont mortels donc fragiles. Certains s'obstinent à le nier, et c'est d'abord eux qu'ils blessent. Mais l'onde de douleur se répand autour d'eux.
Jenny--) merci
Moi aussi j'en ai une histoire comme ça! J'étais avec lui depuis quelques années et on avait un enfant ensemble. Tous les deux on fait un dépôt pour acheter une maison. Mais je reçois une lettre enregistrée stipulant que monsieur se désiste et donc que madame sera le seul acheteur... Ce que fit madame...
Mes salutations Constance. Moukmouk a bien compris ce que tu as vécu.
Excellent billet. Cela me rappelle mon fils, éternel amoureux de l'amour et dès qu'il se sent aimer vraiment va fuir et saboter la relation, plutôt que de risquer de se mettre à nu. Un éternel recommencement sans fin pourtant rempli de souffrance...
C'est très bien exprimé... ça va certainement réveiller beaucoup d'échos, car qui n'a jamais connu cela, que ce soit d'un côté ou de l'autre ?
DDC--) C'est pour moi un grand mystère des humains.
Nanou--) triste en effet, il se fait autant de mal qu'il peut en faire aux autres.
Loulou--) les mots peuvent servir à comprendre autant qu'à montrer. C'est ce que je tente de faire.
Cela est-il vraiment possible que l'impossibilité de se mettre à nu, de se dévoiler, soit plus fort que l'amour? Etes-vous nombreux à avoir déjà ressenti cela?
Ecclipse--) zut ton adresse ne fonctionne pas, je t'avais envoyé une grosse réponse, mais elle m'est revenue. Peux-tu me faire un mot par la case contact ?
C'est un beau texte Moukmouk mais pourrait aussi être écrit par une femme qui n'est pas au début de son parcours. Tu crois qu'on a envie de se montrer nu quand les seins ne sont plus à la "hauteur" ? Et tous les autres défauts que l'on cache sous les vêtements. Tu dois savoir en plus qu'on aime pas souvent notre corps, on trouve toujours des défauts, même jeunes.
Dommage que les gens se refusent le bonheur, surtout s'il s'agit de conjoints du même âge, si un des deux est plus jeune et a de la "jeune peau" certain que le problème est plus apparent mais sinon, faut s'en parler, tu sais même les vieux couples ne veulent plus se montrer nus quand la chair se fait moins désirable.
Alors au mossieur que tu fais parler, moi je lui dit : dis-lui ce que tu viens d'écrire à ta douce, elle comprendra et te dira probablement que c'est le dernier de ces soucis.
Je serais curieuse de savoir combien de couples ne se sont pas vu nus depuis des lustres. Et moins on se voit nu, plus on exprime de la gêne à le faire. C'est comme faire l'amour, quand tu es en couple, plus ça fait longtemps que tu ne l'as fait, plus c'est gênant.
En autant que ton billet parle de nudité intégrale et non de nudité de l'âme ou autre concept!
Ceci dit, j'ai 55 ans, c'est pas très vieux, quand même.