Le projecteur s'éteint
dimanche 29 novembre 2009, 22:23 General Lien permanent
Le cinéaste, poète, peintre et conteur Gilles Carle vient de s'éteindre après une très longue maladie.
Après une petite recherche, je pense que malheureusement il est bien difficile de voir le cinéma de Gilles Carle. Et c'est bien dommage parce que peu d'hommes ont pu dire les gens d'ici avec autant de justesse, de folie, de poésie.
Ils tournent chacun de ses films autour d'une femme dont il est plus qu'à l'évidence amoureux. Tour à tour Micheline Lanctot, Carole Laure et finalement Chloé Sainte-Marie, seront le moteur de ce cinéma heureux, généreux, un peu paillard, riche de vrais humains forts et faibles devant ce monde où à la survie est une gageure. C'est l'anti-Almodovar, les femmes n'y sont pas magnifiées par la tragédie, mais mènent les combats, animent le monde parce qu'il aime et qu'elles aiment. Et quand les curés lui diront qu'il a une morale douteuse, il répondra que oui, sa morale doute de la morale de ceux qui prétendent en avoir.
La magie est souvent présente. C'est un conteur et il prend la réalité pour ce qu'elle est : magique. S'il grossit parfois le trait pour le rendre plus visible, l'objectif est de rendre visible le lien qui nous unit au monde qui se fout de la logique et du dictionnaire. Il n'hésite pas à être local tant dans l'image que dans le langage, et son utilisation de la langue populaire ne l'empêche pas d'être choisi Palme d'Or à Cannes. Encore une fois, pour être universel, il faut être de quelque part.
Jusqu'à la cinquantaine, Gilles Carle a caché ses origines amérindiennes, sans doute parce que c'était une époque où le Canada pratiquait un ethnocide violent, et que cette simple mention lui aurait coupé toute possibilité de faire son travail de créateur. Pourtant, ça façon de voir et dire le monde ne laisse aucun doute, mais comme le gouvernement du Canada ne connaissait ni le discours ni la culture amérindienne, personne là-bas ne s'en est aperçu.
J'ai trouvé sur internet le premier long métrage http://www.onf.ca/film/vie_heureuse_de_leopold_z/ de Gilles Carle. On lui avait commandé un documentaire sur le déneigement de Montréal, il en a fait ce poème à la gloire des héros ordinaires.
Le cinéaste, poète, conteur peut-être mais surtout l'amoureux Gilles Carle s'est éteint.
Commentaires
Il me semblait bien que son nom me disait quelque chose quand TV5 Monde a annoncé sa mort hier. J'ai le souvenir d'un film avec Carole Laure que j'ai dû voir dans les années fin 70-début 80 mais dont le titre ne me revient pas ...
Belle semaine à toi, Moukmouk.
Je ne connais pas Gilles Carle ni son cinéma, mais ce que tu en dis me donne envie (bien que j'aime beaucoup Almodovar AUSSI ! Mais l'un n'empêche pas l'autre !!!)
Anne--) Almodovar fait des femmes très belles mais irréelles qu'il ne peut pas aimer pour vrai, c'est un cinéma évidemment homosexuel, Carle c'est l'inverse un cinéma évidemment amoureux. J'aime beaucoup Almodovar, mais je préfère aimer une femme que rêver d'elle.
Ppn--) La mort d'un bucheron ? La tête de Normande St-Onge ? Fantastica ? Maria Chapdelaine ? il y en a quelques autres, je pense, dont je ne me souviens plus.
ah mais non, pas le coup de "la longue maladie" !
Poutine Girrl--) 20 ans de maladie de Parkingson dont 10 ans d'invalidité, c'est un très longue maladie.
Curieux ce que tu écris des femmes d'Almodovar, je les trouve au contraire bien réelles, courageuses et pragmatiques ! En quoi les trouves-tu irréelles ?
Jenny--) ouf! ça me prendrait au moins un billet pour justifier cette impression, et à la fin je ne suis pas sûr qu'elle tiendrait le coup d'une analyse serrée. Disons en très gros que le simple amour quotidien est très rare chez ce cinéaste. Tu me diras que le bonheur ne fait pas du bon cinéma, mais tu peux en montrer un peu pour faire contraste avec les personnages principaux.
Les religieuses enceintes, les batailles de prostituées, les filles toréros, c'est quand même pas la vie de la plupart des femmes.
Gilles Carles était connu en France surtout dans le milieu "Ciné Club" et rarement diffusé dans les grandes salles ou à la TV qui nous gavent de productions made in "USA" mais tu dois connaître çà aussi au Canada ?
Merci, Moukmouk pour cet hommage à Gilles Carle et pour le lien.
Lisecc--) J'aime ce film détournement d'un documentaire, même si forcément, il date un peu beaucoup
Alain--) le même truc ici, si bien qu'il est presque impossible de voir un film produit en France. Chiant au possible, mais l'empire s'effondre.
Dans Almodovar, il y a aussi des femmes "ordinaires" extraordinaires. Celle de "Volver" par exemple (son quotidien pas très folichon est bien décrit). Et puis, même si les situations sont un peu loufoques, leurs sentiments, leurs émotions sont bien réelles et liées à des situations ordinaires : rapports avec mères, amants, maris, enfant etc.
Jenny--) Je crois que la différence culturelle joue à fond ici. j'hésite entre plusieurs mots tous mauvais mais la notion même de "femme" et le sens de ce mot dans les rapports sociaux, change selon les pays. C'est peut-être pour cela que les femmes d'Almodovar me semblent si peu réelles.