Reprise: la sagesse d'Ijjilik
dimanche 28 février 2010, 16:27 Conte Lien permanent
Une fois par année, je dois bien avoir le droit de reprendre ce texte. Surtout que j'ai reçu un message d'une amie qui me parle de vieillir, alors je veux faire une petite série sur le sujet. Et qui peut mieux en parler que le vieil Ijjilik
Pour ceux qui aiment les loups, et Ijjilik en particulier, j'en parle en
autres ici
et là.
Il vente beaucoup sur la ville aujourd'hui, comme il ventait beaucoup
sur la plaine du Nord ce jour-là. Impossible de se déplacer, et donc une
bonne journée pour les longues conversations à l'abri, surtout quand le
soleil, qui joue à cache-cache avec les nuages, accepte de chauffer un
peu nos vieux os.
Nous étions presque au sommet de cette
petite colline et regardions vers le sud, pendant que le vent du Nord
passait au-dessus de nos têtes en grondant. Peut-être parce que je ne
suis pas vraiment capable de me taire, ou bien le bruit du vent me
faisait un peu peur, j'ai demandé à Ijjilik: «On t'appelle Ijjilik le
Sage, alors peux-tu me dire c'est quoi la sagesse? »
« Ridicule,
qu'il me dit, la sagesse n'est pas dans celui qui parle, mais dans celui
qui écoute. » Là-dessus, il fait une longue pause, comme s'il ne
voulait plus rien dire. J'ai presque réussi à faire taire tout mon corps
le temps que la suite vienne... ou peut-être jouait-il un peu de moi,
pour m'apprendre à avoir au moins la sagesse d'attendre que les choses
arrivent. -- « c'est simple pourtant, celui qui parle, tente presque
toujours de dire des choses sages, c'est celui qui entend qui sait si la
phrase est vraiment sage ou pas. »
Les loups sont les marcheurs
du Nord. La sagesse du loup est sans doute dans sa légereté, pour
pouvoir longtemps courir. La sagesse de l'ours est dans sa graisse. Sans
elle, il ne résistera pas au froid, à l'eau froide surtout et il ne
pourra survivre. Tu vois, tu peux réciter tous les adages, tous les
livres du monde, si tu ne t'occupes pas de ton propre corps, tu seras
toujours ridicule. Et ton corps est différent de tous les autres parce
qu'il n'occupe pas le même espace que les autres corps.
Encore
une longue pause, je frémissais de devoir me taire, mes muscles criaient
de ne pouvoir bouger. Ma pauvre sagesse était de pouvoir entendre, et
pour cela que je réussisse à faire taire le machin en dedans de moi qui
fait tellement de tapage, qui veut tout expliquer tout le temps.
J'ai
été sauvé de mes courbatures par un corbeau qui a eu pitié de moi et a
traversé lentement le ciel. Ijjilik reprit: « Tu vois, la sagesse du
corbeau est d'être gros et léger. Il est gros pour être fort, et il est
léger pour pouvoir voler. Tu devrais peut-être tenter d'apprendre du
corbeau, être gros dehors, mais léger dedans, léger parce que libéré du
toi que tu traines. »
Ijjilik a vraiment raison, je suis
tellement plein de moi que je suis ma propre prison. Au moins, j'ai
entendu cela.
Commentaires
Mais d'où prends tu tous ces contes ? ... Ils me laissent toujours perplexes... merci
Mais simplement au contact de mes amis... Je connais Ijjilik depuis si longtemps, et pour quand un loup aussi sage nous parle, il faut écouter. Bien sûr il ne parle pas avec des mots humains, mais quand j'ouvre mon coeur d'ours je le comprends très bien.
Je lis comme j'aimerais savoir écouter. T'ecouter.
Et quand je clique sur les liens, ça me met que le document n'existe pas