Le mot "algonquin"
dimanche 28 mars 2010, 16:16 General Lien permanent
Pour Paumier une archéologie du mot "algonquin". C'est une reprise légèrement modifiée parce que je continue de chercher dans cette direction.
Mes grandes réflexions sur l'identité et l'étymologie intéressent moins mes lecteurs, c'est clair. Je me lance quand même dans l'explication d'un mot, parce que d'une part je me suis beaucoup amusé à cette longue recherche, et qu'aussi elle révèle beaucoup de ce que sont ceux de la forêt.
Le dictionnaire définit actuellement Algonquin, comme une « nation » amérindienne qui vit au centre du Québec, et comme une famille linguistique qui couvre la plupart du territoire de l'Amérique du Nord. Je me suis intéressé à la chose parce qu'il n'y a pas mention d'un tel peuple dans les récits amérindiens. Les gens de la foret, se nomme d'après la rivière où ils se déplacent. D'où viennent-ils?
Comme dans toutes les recherches étymologiques, il y a une multitude de pistes possibles et ce sont les références à la culture qui nous permettent de faire des choix. Ainsi l'idée que cela pourrait venir d'une insulte Agné ( Iri Akoi), les mangeurs d'écorce, n'est qu'une réponse au mot: « Iroquois » qui est une insulte en algonquin ( Iri Akoi= les vrai serpent). La thèse voulant qu'ils soient des « algoumakin » mot des Listigouches (mais compris très largement) qui définit l'action (et l'acteur) de chasser le poisson au harpon. Ces thèses n'ont pas de support dans la culture.
Le mot « algonquin » est noté pour la première fois par Champlain au grand marché de Tadoussac, en 1603, où on célébrait une très récente et très importante victoire sur les Iri Akoi. En plus des jeunes et de quelques habiles négociateurs ( ceux qui sont habituellement au marché), il y a à ce moment-là de très grands chefs et guerriers. Champlain note Onondoto, (un des plus grands négociateurs du peuple Innu) et Bessouat qui est surement Tessouat le très grand stratège militaire et chef des Chissépipérini, le même qui 150 ans plus tard sauvera Montréal d'une attaque des anglais venus de Boston. Les héros de ceux de la forêt ne meurent pas, il arrive qu'ils changent de forme, mais ils ne meurent pas. Vous vous souvenez de Mahyénipigane?
Les deux groupes les plus nombreux sont certainement les Wolastoukii (les Malécites que Champlain appelle Etchemin, il y aurait une belle recherche à faire là-dessus) qui sont les animateurs de ce marché, et les Innus, surtout les Innus-Pessamites, (après tous on est chez eux), et les Innus-Ilnuash qui achètent de très grandes quantités de maïs, de pierres à tailler et d'herbes à boucaner, pour les revendre aux Cris et aux Inuit de la Baie d'Hudson.
Après les présentations premières, les hommes dansent la victoire. Cela durera au moins 30 heures, jusqu'à ce que la fatigue les fasse tomber. On assoit Champlain a la place d'honneur, entre deux puissantes mères de clan Wolastoukii. Ce n'est pas pour rien, ils sont des marchands, ils parlent déjà le basque et sans doute quelques mots de français. Quelques Innus connaissent aussi le français en 1603.
En regardant les danseurs Champlain demande : « qui sont-ils?» Si la dame près de lui avait compris, elle aurait probablement répondu : les Ab'naki, les alliés de l'Est. Mais elle a probablement confondu le « qui » du français avec le « Wen » : « que font-ils? » et elle aurait répondu: Algomo-ouik : Ils dansent vraiment très bien.
Dans le bruit des tambours, il est bien possible qu'elle ait dit : Al-k-cihq-mo-kin(owok): nos frères, nos alliés de (qui appartiennent à) la forêt. C'est ce que je préfère, et c'est pour cela que j'écris Alghonkin, quoi qu'en pense le petit Larousse.
Commentaires
Oh ! Moukmouk. C'est tellement beau que tu me fais pleurer là en pensant à ma grand-mère qui parlait encore sa langue et que je ne comprenais pas...Quel malheur de perdre sa langue d'origine.
Mais je retiens bien l'histoire que tu as retrouvée pour moi.
Je suis vraiment *honoré*.
Merci mon frère. :))
Paumier--) chaque vieux qui meure c'est une bibliothèque qui brûle. Et ce qui est terrible, c'est que les histoires telles que racontées par les blancs sont tellement pleines de bondieuseries et autres incompréhensions culturelles, qu'il est parfois impossible de renouer les liens et de comprendre le sens de ce qui se disait.
Mais il faut quand même tenter, parce que s'il reste un espoir pour l'humanité, elle est dans leurs sagesse : ne prendre que ce qu'il y a de trop, ne pas couper un arbre si cela ne favorise pas la croissance d'un autre. L'Équilibre, on est loin de la productivité et de la croissance à tout prix.
Toi aussi tu es un sage et ton site en atteste avec éclat.
Tu sais j'ai déjà eu un petit boisé et je faisais comme tu dis. Aucun arbre coupé sans raison. Si tu savais combien de pressions je recevais d'amis et voisins pour "éclaicir" le bois ! En plus, c'était un bois qui avait été bûché par l'ex proprio 20 ans au paravant. Heureusement qu'il avait laissé de grandes pruches et quelques érables rouges et des merisiers matures.
J'avais commencé à nommer chaque arbre et je leur parlais en tenant leur écorce. J'ai montré à mon fils aussi.
Ah, juste y penser me donne le goût de m'en aller dans la forêt...
J'aime beaucoup ce billet. Et contrairement à ce que tu crois, tu as des lecteurs qui apprécient tes réflexions identico-étymologiques :P
Ah ben moi j'adore les billets étymologiques aussi !!
Ben, je suis la soeur de ma soeur, hein, donc les langues et l'étymologie, ça m'intéresse aussi.
Bismarck--) Je travaille sur les sens des mots qui expriment le temps... beaucoup de travail
Anne--) Il faudrait en faire aussi avec des termes Inuktitut, c'est un grand révélateur de la culture.
Nanouk--) merci, je vais en préparer d'autres.
Moi, j'adore tes billets etymologiques! Trouver du sens, raconter une histoire, expliquer d'ou on vient.... qu'y a t'il de plus important que cela??? A part tomber en amour et vivre entoure de ses amis (et raconter des histoires, expliquer d'ou en vient et ....)
Continue a eclairer notre route Moukmouk!
Moi aussi j'adore tes billets étymologiques ! C'est fascinant de voir les mots dériver pour devenir d'autres mots, prendre d'autres sens. Et puis, souvent ça raconte l'histoire de peuples qui se sont parlés, sans bien se comprendre, mais ça donne un plus joli héritage que ceux qui se sont battus