Moukmouk de Pohenegamouk

Cousteau a fait un film et deux livres qui s'appellent : « Le monde du silence ». Je pense sérieusement qu'il était sourd. J'en ai parlé souvent, la mer est un milieu très bruyant. Encore plus le Golfe Saint-Laurent, avec un trafic très intense de bateaux, des phoques, des baleines, des tempêtes fréquentes et le grand courant du Labrador qui racle le fond.

C'est vrai que j'écoute souvent la mer avec des instruments très puissants, à la recherche des secrets où la vue est inutile. Parce que s'il y a beaucoup de baleines dans le Golfe, c'est qu'il y a de très fréquentes et importantes éclosions de plancton. Dans une éclosion de plancton, la mer ressemble à une crème de brocoli, les yeux sont inutiles.

Et puis, dès qu'on descend un peu, il n'y a plus de lumière. Descendre des projecteurs ne sert à rien, c'est comme mettre ses phares de route dans la brume, on est ébloui, mais on ne voit pas plus. On est ébloui parce que la lumière est réfléchie par les milliards de particules vivantes qui font la bonne soupe pour les baleines.

Je vous ai préparé un exemple du travail qu'il faut faire pour comprendre ce qui se passe sous l'eau :

Il y a un premier 7 secondes, où on entend la prise de son brute, avec surtout le ziiiin d'un hors-bord et le bruit de fond des cris d’écholocation des baleines.

Une seconde de silence, et après avoir enlevé le hors-bord, et les bruits parasites, je découvre une baleine et bien d'autres bruits pas encore définis. J'en mets 4 secondes avant une autre seconde de silence.

Et voilà ce que je cherchais... C'est un petit rorqual qui fait toute une série de petits cris pour communiquer à longue distance avec un copain. Quand je dis grande distance, ça peut facilement être vingt ou trente kilomètres. Nos pauvres oreilles si déficientes parce que l'essentiel du message pour nous passe par la vue sont incapables de cette performance, mais les baleines peuvent discriminer dans le grand tapage.

Pour finir je n'ai pu m'empêcher de vous mettre les si belles vocalises des phoques qui chantent tout le temps quand ils sont sous l'eau.

Je sais que dans les enregistrements que j'étudie, il y a aussi un long poème d'une mégaptère, les chants que je préfère entre tous. Je n'ai pas encore réussi à l'isoler.