Un soir sur le Monde

Le réalisateur de mon film préféré vient de s'éteindre.

Je ne parle presque jamais de cinéma, simplement parce que la très grande majorité de ce qu'on présente sur les écrans m'emmerde profondément. Oui, il y a des exceptions comme Shutter Island, le dernier Scorsese, et quelques autres. L'exploit technologique me laisse de glace, ce qui ma passionne, c'est la direction d'acteur et une bonne histoire.

Je viens tout juste de revoir « Le seigneur des anneaux » une présentation magistrale d'un texte que j'ai lu une bonne vingtaine de fois... et j'en sors maintenant déçu parce que la grosse machine technologique, l'exploit de la représentation nous coupe de la réalité des personnages, le jeu des acteurs se perd, écrasés qu'ils sont dans dans la représentation d'un monde.

Dans « Tous les matins du Monde » Alain Corneau réussit l'exploit de nous présenter la musique comme le personnage principal, dans une peinture du XVIIième siècle sans que le jeux des acteurs en soit écrasé ni diminué. Il y a la beauté, mais aussi l'échec de la rigueur, le désespoir où peut nous pousser l'aspiration à Dieu.

Jean-Pierre Marielle a très bien compris ce qu'est le calme et la force du contemplatif, qui poursuit sa quête absurde d'un absolu jusqu'à tout détruire autour de lui. La folie des saints, les désastres qu'ils causent.

Il fallait que le réalisateur garde son esprit fixé sur l'objectif sans jamais sacrifier à la facilité technologique pour atteindre cet équilibre et cette pureté. C'est un peu stupide de parler du plus grand film... disons que c'est film qui me touche le plus que je revois avec le plus de plaisir. Ce que je vais faire ce soir en pensant à la qualité d'humanité Corneau a atteint pour rendre possible cette démonstration. Il faut avoir touché à la perfection pour savoir que ce n'est pas la voie à suivre.