Esssplikation

Qu'est-ce qui est si intéressant pour moi dans la poésie romantique du XIX siècle ? Voilà la drôle de question qui m'a été posée.

En gros, dans la littérature classique, la Belle est belle dans un monde beau. Ou plus généralement la Belle est et le monde est. La rencontre est déjà décidée par la « fatalité » au sens grec du terme, les dieux fous en ont décidé, le choc sera cruel ou bon, mais il est inévitable.

Pour les romantiques, le monde sera forcément laid, morne et morbide. Le poète y traine son âme en peine à la recherche d'une porte de sortie qui est généralement la mort. Tout à coup apparaît la Belle, seul sujet beau dans la médiocrité générale, seule raison de vivre... Malheureusement, elle sera si exceptionnelle que l'amour est impossible et que c'est une raison de plus de désespérer. Sauf que l'amour fait parfois des miracles, et qu'il faut donc tenter, même si la tentative est déraisonnable. Peut-on faire un lien avec l'amour courtois des troubadours ? Probablement.

Ce qui me fascine: c'est la soudaine apparition. Le moment magique où ce monde si laid se justifie par la présence d'une réalité différente, d'un autre niveau qui rend au moins pour un temps, la survie possible.

Dans la culture amérindienne, le monde est. Pour le sauvage (l'habitant de la forêt), la pression du groupe, du clan et les règles de survie dans une nature qui ne peut, ne doit pas changer, forcent une acceptation, un assujettissement aux forces de la Nature qui serait vécu comme un esclavage pour les civilisés (les habitants de la ville) qui se croient libres.

Mais comme pour la Belle des romantiques, il y a, pour le sauvage, des illuminations, de soudaines apparitions qui prouvent l'existence de « la Beauté du Monde » cette force unificatrice qui justifie l'acceptation des règles, la poursuite de la vie. L'ouverture d'une fleur, un éclat de lumière brisée par la glace, la création sonore d'un oiseau, le rêve d'un arbre, la manifestation de cette force demande que j'y porte attention, que j'en sois conscient. Aussi cette participation, cette inclusion volontaire à cette réalité, dépendra du besoin de chacun de s'y inclure. La Joie croît avec l'usage.

En tentant de sentir la langue et la motivation des romantiques, j'essaie de comprendre la relation entre le moment et la continuité.