Platon et le journal du matin

Je ne peux pas commencer une journée sans lire mon journal. J'aurais l'impression de ne pas être dans le monde, de ne pas savoir ce dont il se parlera en ville, de ne pas pouvoir participer au débat.

Oui le journal c'est une relation particulière au monde. Je déteste les infos à la télé. Toujours superficiels, toujours à la recherche de l'émotion plutôt que du sens, les informations télévisées nous coupent de la réalité, en nous proposant un spectacle où nous ne serons jamais un acteur. Les autres vivent une vie qui nous est inaccessible. Oui, inaccessible parce qu'elle n'existe pas. Pour avoir quand même assez longtemps participer à cette forme particulière de mensonge, je ne vois plus que les lézardes dans le mur de la prison du sens. Je n'entends plus que les failles dans le discours des puissants de ceux qui passent à la télé pour nous dire ce qu'il faut faire, ce qu'il faut acheter et ce qu'il faut dire pour être heureux.

La radio permet une réflexion lorsqu'on a le temps d'écouter. Oui c'est d'abord un bruit de fond, pour empêcher que le non-sens résonne dans le vide de nos vies. Mais si on peut s'attarder, on y aura la possibilité de rencontrer des gens et des idées. L'Internet qui est près de la radio comme expérience, permet maintenant de renforcer l'expérience, parce que nous pouvons réagir rapidement à ce qu'on entend, je pense qu'il y a là un nouveau mode de communication extraordinaire.

Le journal, c'est bien sur le discours de ceux qui pensent presque comme nous. C'est un cercle d'admiration mutuelle d'avoir pensée génialement le monde de la même façon. Avec des nuances bien sûr, il faut se singulariser. Mais il ne peut pas y avoir une presse autre qu'une presse de partis politiques ou de chapelles idéologiques. Je n'irai quand même pas lire un «torchon » comme le journal « La presse », l'organe des patrons à Montréal.

J'aime bien le monde des chiens ou des ours, où mentir est beaucoup plus complexe. Les chiens comme les ours ont l'odorat comme mode principale d'acquisition des connaissances. Aussi chaque matin, je sort Platon qui va «lire » au pied de chaque poteau, de chaque borne-fontaine, les potins du quartier, les nouvelles de son monde. Il sait qui est passé, sa taille, son humeur, ses pulsions, sa santé. Et comme il fait le même trajet chaque matin, il sait aussi ceux qui ne sont pas là, et il s'en inquiète.

Je voudrais vivre dans un monde de chiens, où il n'y a pas de mensonge dans mon journal du matin. Un monde, où je serais un parmi et avec plutôt que contre.

Ha oui! Grande Nouvelle! Je déjeunerai avec Miss Lulu de GrandBled demain midi, cela me fera le plus grand plaisir de lui transmettre vos salutations, bisous et lèchouilles. Inutile de le souligner cette invitation est très intéressée.