Ecologie du chagrin d'amour
jeudi 18 octobre 2007, 01:49 General Lien permanent
Je réfléchis et réagis à une phrase d'un article (article que je n'ai pas lu) tirée d'une revue que je n'ai pas lu non plus. C'est vraiment la meilleure façon de se planter... Mais, il y a aussi la possibilité de mettre en lumière des vues radicalement différentes du monde.
(…) Où pouvons-nous aller oublier notre peine lorsque nous sommes malchanceux en amour? (…) Une écologie du chagrin d’amour serait à inventer. Nous écoutons d’une oreille distraite les militants verts et les mauvais augures qui nous rabâchent qu’il faut sauver la planète pour le bien de l’humanité ou des générations à venir: ces finalités sont vagues et éloignées de nous. Et si c’était pour des raisons intimes qu’il fallait renouer un lien avec la nature? S’il est urgent de veiller sur cette dernière, c’est aussi pour préserver le refuge des amoureux”…
Je tire cette citation d'un billet du magnifique blog de Catherine. Je vous incite d'ailleurs à aller lui dire que son blog est passionnant mais qu'elle devrait faire des billets plus souvent, comme ça je serais plus souvent content.
Dans la citation, nous sommes au coeur de la pensée grecque. N'a droit à l'existence que ce qui est près de moi, que ce dont j'ai immédiatement conscience. « Je » est le centre du monde. Le bien de l'humanité, les générations à venir sont des finalités dont je fais étalage quand je veux mettre ma grandeur d'ame et la profondeur de ma réflexion en vedette.
Nous sommes au coeur de la pensée du Socrate: la dualité. La distance qui existe entre « je » le monde, entre « je » qui est mon ame et mes intentions si pures, alors que mon corps, la matérialité du monde me souille, et me conduit à l'erreur. Ce qui bien sur me donne le droit de la dominer, d'en extraire un mal, qui n'est pas originel (essentiel) mais constitutif de son existence... Quelque siècle plus tard, le Dieu unique fera de ce droit de dominer, le devoir de tout détruire pour asservir le monde.
Pour la pensée amérindienne, il est d'abord essentiel de penser au conséquence de nos gestes pour les sept prochaines générations. « Je » n'a pas d'importance parce qu'il est dans la continuité, dans le non-temps de la préservation de l'espace. La seule domination possible est celle de ce « je » quand la peur ou la fureur destructrice s'empare de lui.
Il faut d'abord refuser toute distance entre moi-la vie, et la vie. Je suis dans la vie, dans la continuité de tout ce qui respire, et je ne ferai pas d'actions qui ne favorisent pas la vie. Etre un humain, c'est d'abord comprendre la continuité de la chaine du vivant.
Je comprends que les descendants de Socrate veuillent conserver « la nature » comme lieu de refuge pour les amoureux malheureux. Parce que aimer c'est surtout sentir le flot, le grand courant de la vie passer à travers soi. Et comment trouver un amour heureux quand on est aussi loin de la continuité de la vie?
Commentaires
"Pour la pensée amérindienne, il est d'abord essentiel de penser au conséquence de nos gestes pour les sept prochaines générations"
A graver quelque part dans un coin de ma tête, si je parviens à faire passer ce message à mes enfants, c'est que j'aurai réussi une bonne partie de mon éducation.
Chacun a ses motivations pour sauver la nature, l'important c'est de la sauver... pour le moment, on fait plutôt le contraire...
Tu sais, parfois je me dis que ce qui est le plus compliqué c'est d'être à cheval entre "je" et "les autres", les sept générations suivantes.
Que s'il y avait une recette pour conserver ce périlleux équilibre, le monde irait mieux.