Moukmouk de Pohenegamouk

Un très beau soleil, aucun vent, pas de pollution, pas de moustique, j'ai marché un long moment et je vous jure que c'est le temps que je préfère pour une ballade même s'il fait moins vingt. Vous allez me dire que c'est normal pour un ours. Oui c'est vrai, je suis du Nord, je suis adapté et équipé pour ce climat et j'y suis très à l'aise. Les Amérindiens préfèrent de loin l'hiver à l'été et c'est logique : la marche est plus rapide et confortable et les charges tellement plus facile à transporter. Pour le chasseur, il est possible de contrôler ses odeurs et de sentir la proie, le silence est facile à maintenir, les moustiques ne nous attaquent pas, et il n'y a pas de feuilles pour bloquer la vue. Le bonheur je vous dis, le bonheur.

J'ai donc fait une looongue marche le long du fleuve, qui à la hauteur des rapides, fumait une brume agitée que le soleil colorait. Cela faisait trembler la ville de l'autre côté du grand fleuve, une danse en habit de lumière, j'étais bien.

Et puis j'entends mon vieil ami Omer Vite-vite qui me salue. Si les femelles cardinales vont presque toujours dans le sud, les mâles eux, préfèrent presque toujours, comme moi, les plaisirs de l'hiver.

Il s'en suit une longue conversation où je m'inquiète un peu du temps qu'il fait et de sa santé. Il me rassure sans problème et il me fait remarquer qu'il porte un manteau de duvet de la meilleure qualité, d'une coupe parfaite, et d'un rouge qui lui sied magnifiquement. Mieux son manteau de duvet, lui a rien couté puisqu'il pousse au besoin et s'adapte très rapidement au temps qu'il fait.

Nous nous sommes attristés de ces pauvres humains qui ont si peu de défenses naturelles, et compatis aux modes stupides qui les forcent à se couper ou pire de s'arracher les poils. Voilà bien une preuve que ce sont des animaux pas très intelligents.

Bien sûr nous avons parlé ensuite de nourriture. Il n'est peut-être pas aussi gourmand que moi, mais manger c'est important surtout quand il fait froid. Comme c'est important pour lui aussi, Omer ne m'a pas affirmé tout de go qu'il mangeait très bien. Sans se plaindre le ventre plein, il ne faut pas dire en hiver qu'on est repus. Mais l'évidence est visible. De fait la saison difficile pour les oiseaux ici, c'est avril et début mai, si le printemps est tardif et pluvieux, il n'y a plus de réserve.

Parce que les oiseaux qui passent l'hiver au Nord font beaucoup de réserves. De fait, si ce n'était des réserves que font les oiseaux et les écureuils, très peu de graines d'arbre ne se développeraient. La forêt a besoin de ses habitants comme ses habitants ont besoin de la forêt. C'est une symbiose complexe, qui n'a rien à voir avec la causalité. C'est la Vie, dans sa beauté et son unité.