A la poursuite de Toutenqueue (première partie)

Suivre un renard  est une mission périlleuse. On sait qu'on ne trouvera pas le renard, mais des questions.

Il ne fait plus noir, mais c'est encore loin d'être le grand jour. La Soleil ( madame Kisu)  ne se lèvera pas avant une bonne heure et demie. C'est parfait pour moi, je veux aller sur la montagne pour voir le lever du jour et j'ai une heure à marcher. Mais si tôt le matin, c'est assez froid, il est préférable de prendre ses gants, qui sont sous les jumelles, alors prenons les jumelles aussi.

Quand je traverse le petit pont, il y a suffisamment de lumière pour que je fasse un tour d'horizon avec les lunettes, après tout je ne traine pas ce gros truc pour rien. Le lac ne veut pas bouger sous sa douillette de brume légère, la montagne de l'autre côté ne voit pas que la Soleil va se lever au dessus d'elle. A ma gauche, un champs d'herbe très longue qu'aucun gel n'a encore couchée. Sous cette lumière rasante, j'adore regarder toutes les nuances de brun de jaune et de roux à la recherche... de roux ? Je reviens vers cette petite tache de roux pour voir une tête de renard qui dépasse à peine de l'herbe. Bien assis sans doute sur sa si belle queue, il me regarde. Il a franchement l'air de se demander ce que ce grand lourdaud peut bien faire si tôt sur la route. Séparés de 20 pas, nous nous regardons, moi avec mes immenses yeux de plastique et de verre qui me sort du visage, lui avec le sourire toujours énigmatique de celui qui planifie un tour.

Il disparaît. Est-ce que je le suis ou pas ? Je pense qu'il a déjà décidé que je le suivrais, alors je ne veux pas lui donner tort. S'il veut que je le suive, il se montrera sur la petite bosse, sinon, il glissera vers la forêt où je ne peux pas le voir. Oui, il est là, vingt pas plus loin, toujours souriant et ayant l'air de me dire : « viens jouer avec moi ». Je réponds : « bon, d'accord. Je veux bien, mais attends un petit peu, tu es beaucoup plus rapide que moi. »

Il a compris, il m'attend effectivement. Bien sûr, je serais ridicule de jouer à cache-cache avec un renard s'il me donnait un gros avantage. Mais comme il ne semble pas avoir de partenaire meilleur que moi, il continue le jeu. Deux ou trois fois, je dois le chercher du regard pour savoir où il veut m'entrainer. Il se montre oui, mais à peine et pas très loin d'où logiquement il devrait apparaître. Si le jeu m'était trop facile, j'abandonnerais. Il se dirige nettement vers le sentier qui longe la rivière, allons-y directement.

Il y m'entend toujours à vingt pas. J'ai réussi à inverser le jeu, en prévoyant sa route, il a du prévoir où j'irais. Visiblement il a aimé cela. Il se permet de tourner deux ou trois fois sur lui-même avant de redisparaître. Je me demande si c'est pour me montrer sa si belle queue sa fierté de toujours, pour jouer au magicien qui disparaît dans un mouvement de cape ou simplement pour marquer sa joie par une sorte d'hésitation de la direction à prendre. C'est un renard, ça ne sert à rien de discuter des raisons d'un renard, celles qu'il donne à voir ne sont pas les vraies.