Le pyjama

Madame Nati a l’immense bonté d’âme de venir chaque mercredi, faire le lavage et du ménage dans la ouache. Elle a des comportements bien maternels et n’hésite pas à me houspiller si je ne respecte pas ses consignes.

Aussi le mercredi matin, je fais scrupuleusement le tour de mes poches à la recherche du moindre papier-mouchoir. Sinon c’est l’engueulade assurée. Hier en faisant le tri, l’odeur m’est revenue comme sa réelle présence.

J’ai un pyjama de soie que je garde pour les grandes occasions. Il est très beau et détourne le regard de mes rondeurs peu gracieuses, met du flou autour des blessures que m’a infligées le temps. C’est mon habit de lumière pour affronter la charge de la passion, sans paraitre trop ridicule.

Bien sûr, je ne le porte jamais très longtemps, il est fait pour être enlevé dans la fièvre et rendre désirable mes excès de chair, cacher jusqu’au dernier moment l’indélicat, un emballage pour faire de l’acte de se joindre, un cadeau à la vie.

C’est une seconde peau, un peu plus sombre, un peu plus froide, pour que la chaleur de mon désir ne brule pas, n’éloigne pas celle que je tente de rapprocher. Cette seconde peau touchera la sienne, deviendra une caresse et un souvenir de la caresse, jusqu’à ce qu’on la laisse sur le plancher, pour enfin se joindre.

Alors, c’est son odeur que je retrouve dans ce bout de tissus à mettre au lavage. Ce fragrense si particulière, fait de ce qu’elle veut, son parfum, fait de ce qu’elle est, son corps et du désir qu’elle exprime. Impossible d’effacer cela volontairement, ce serait la trahir. Ce serait détruire ce qu’il reste de doux de nous, ce souvenir.

Alors, j’ai caché le pyjama derrière des livres de la bibliothèque, et je peux aller m’y plonger le nez quand je veux. Je sais, je suis poussière… et bientôt ce souvenir sentira aussi la poussière. Mais avant, laissez-moi sentir, pleurer un peu et être heureux.