Encore sur les poissons

Normal pour un ours de s'inquiéter des poissons, il mange les phoques qui mangent des poissons. Dommage que les humains ne s'en préoccupent pas.

La très célèbre revue Nature vient de mettre en ligne un important papier sur les populations de poissons autour de l'Angleterre. Cette recherche est à la fois très simple et pourtant originale au point qu'on se demande pourquoi on y a pas pensé avant. Les chercheurs ont simplement compilé les débarquements de poissons des pêcheurs commerciaux en Angleterre depuis 1889.

La Commission Européenne estime que 88% des espèces commerciales sont sur-pêché sur la base d'analyses sur des périodes de 20 ans. Sur une base plus longue, le résultat est encore plus désastreux. Logiquement on ne peut pas calculer l'effort de pêche d'un petit bateau à voiles de 1889 avec un chalutier moderne avec des moteurs de 5 000 chevaux. La Commission a donc créé un indice, contestable comme tous les indices, qui mesurent les débarquements comparés à l'effort de pêche.

Je pourrais écrire dix pages sur ce tableau pour vous l'expliquer, mais ça ne sert à rien, tout est clair. Malgré l'augmentation de l'effort de pêche, les débarquements diminuent. Malgré les plans de gestions, malgré les subventions, malgré la recherche et la plus grande connaissance de ces espèces, les grands bateaux ramènent de moins en moins de poissons.

Une partie du problème, c'est qu'il y a très peu de recherche écosystémique. On étudie l'évolution de la population de soles (par exemple) comme si les soles ne mangeaient pas d'autres poissons, ou que la disponibilité de nourriture pour les soles était infinie. Ces recherches très pointues et en silo ne nous permettent pas de comprendre ce qui se passe globalement dans l'océan. Simple à comprendre, les recherches sur les espèces ont un intérêt économique évident et sont très subventionnées alors que les recherches écosystémiques ne sont que du pelletage de nuages pour amuser les scientifiques.

J'ai souvent parlé dans ce blogue du désastre de la sur-pêche. Pour les pays riches, on trouvera bien autre chose à manger, mais pour les pays d'Afrique et d'Asie où le poisson constitue la première source de protéines, l'effondrement des pêcheries est un problème insoluble. Et la flotte mondiale de pêche continue d'augmenter en puissance et en nombre d'unité. Moins de poissons et plus de moteurs, la résultat est certain.

Je ne vous dis pas de boycotter les poissons, de ne plus en manger. Ça ne sert à rien de s'en priver tant qu'il y en a encore. Si vous ne les mangez pas, on les transformera en farine pour nourrir le bétail, en colle ou en produits de beauté. La pêche est trop subventionnée, les pays ont trop investi dans d'immenses bateaux non rentables pour que la pêche cesse. Encore une fois, une action collective et politique, une décision des états de fermer toutes les pêcheries industrielles pourraient peut-être sauver ce qui reste. Mais si un pays arrête de pêcher, les autres se dépêcheront de venir chercher le dernier poisson.