Vous avez dit traduire ?

Comme souvent quand je rencontre des personnes qui ont lu mon blogue, on me parle de thérolinguistique et de la fameuse question de la traduction. Permettez-moi un peu de grand pelletage de nuage.

Il y a pas si longtemps, les premiers gros ordinateurs ont été utilisés pour faire de la traduction. La technique était de mettre en parallèle deux dictionnaires et en traduisant chacun des mots, on aurait une traduction. L'évidence est là, ça ne fonctionne pas. Il n'y a pas d'intertraduisibilité des langues, parce que les langues ne rendent pas compte de la réalité, mais de la façon dont une culture voit la réalité.


Pour moi c'est devenu évident le jour où j'ai eu à servir d'interprète entre un japonais parlant anglais et un argentin parlant anglais. Ils utilisaient les mêmes mots pour décrire des réalités très différentes si bien que rapidement l'échange n'était plus possible. Le glissement de sens que l'argentin accepte pour exprimer sa réalité en anglais s'additionne au glissement différent du japonais, et nous voilà déjà dans le non-sens. Pourtant, les deux étaient cadres d'entreprises trans-nationales fonctionnant dans une logique dites scientifiques. Jamais je n'ai autant perçu que Money talks et que la réalité comptable sont des fumisteries. Il n'y a que les cultures qui parlent et particulièrement dans le cas des entreprises la relation entre l'objet et la valeur à l'intérieur de la culture. (à ce sujet relire « la guerre du faux » d'Umberto Eco).

Pour tenter de comprendre les autres cultures, encore plus extrême que la relation à la valeur, c'est la relation à l'espace. Le lieu de vie, la croissance de la plante, le volume autour du nid où je me nourris, la surface que je peux cultiver, le territoire de chasse, ce sont les lieux de l'échange, et à chaque fois cela implique une relation au monde aussi peu traduisible que l'idée que l'espace inter-galactique est infini et pourtant d'un volume fini de quelques 14 milliards d'année-lumière. Mais qu'est-ce qu'il y a après ? Il n'y a pas d'après, parce qu'on revient avant.

L'espace du nomade est une conception que l'agriculteur ne peut pas plus comprendre que ce que conçoit une souris ou un oiseau de cette même réalité. Aussi, il n'y a pas un lieu de l'Homme, parce que ce ne sont pas nos sens communs qui perçoivent le monde qui nous entoure, mais des cultures qui utilisent des sens pour relier ceux qui participent à cette culture.

Mais alors c'est impossible de nous comprendre ? Peut-être... ou peut-être qu'accepter que je ne peux te, vous , nous, ensemble et pourtant différents, comprendre, c'est justement le premier pas vers un réelle compréhension relative libérée des absolus qui nous séparerons toujours.