Vive le canot!

Il y a des wasis à l'Auberge, des petites bêtes (8 ans) presqu'aussi bruyantes et remuantes que le chien Platon.

Comme je ne peux pas les découper en morceaux pour les mettre dans le compost (ça donne des odeurs douteuses) j'ai décidé de les amener en canot sur la rivière Wollustouk. Mon véritable espoir étant que les moustiques les emportent pour les manger ailleurs, ou à défaut qu'ils les mangent sur place.

J'ai été déçu! Il a fait un temps magnifique avec juste une petite brise dans le sens de la rivière, si bien que les salles bêtes ( je parle des moustiques) ne pouvaient nous coller après. Un ami nous amène avec un petit camion à 6 ou 7 kilomètres, cela fera une vingtaine de kilomètres à descendre si on compte les très nombreux méandres à la fin du parcourt. La rivière est très haute pour un mois de juillet, il y aura du courant et donc le trajet se fera entre trois et quatre heures, ha oui! ajoutons une grosse demi-heure pour le pique-nique.

La première évidence, c'est qu'il y a une notable différence de poids entre un ours raisonnablement enveloppé et un enfant de 8 ans. Je m'installe logiquement à la pince, et je dois m'avancer un peu parce que l'avant du canot monte comme s'il n'y avait personne. Je me console en constatant que c'est pareil pour l'autre canot. Première surprise, le garçon sait ( un peu) se servir d'un aviron, je n'aurai pas besoin de ramer en J pour tout le trajet.

C'est une section très calme de la rivière, c'est pour cela qu'elle était la route préférée des lourds rabaskas, les grands canots de transport de marchandises, trois ou quatre tonnes de charge pour 4 ou 5 avironneurs, ça prend des bras solides ou bien on cordelle dans les sections rapides.

Il y a bien un petit bouillon juste après la Lindaine à Pic, mais juste de quoi donner des palpitations aux enfants. La Lindaine à Pic, lieu rêvé de mon enfance, espoir de contrées sauvages, c'était la porte de la grande aventure dans ma tête de 5 ou 6 ans. Il a fallu que j'attende dix ans, pour savoir que c'était la « Landing zone », l'endroit où, durant le temps de la drave, on jetait les billes de bois dans la rivière pour qu'elle flotte, jusqu'au lac et à l'usine. Et « A pic » parce que le dénivelé est important, comme quoi, les plus grands mystères, on se les invente.

Tiens! Voilà justement le ciré, il faut se méfier. Je crie à l'autre canot de se tenir du côté escarpé de la rivière, là où il y a beaucoup d'eau, ça passe mieux. Cela brise l'attention du pilote et le voilà qui vire en travers de la rivière en glissant du mauvais coté vers l'oreille de charrue! Je lui crie « droite » et si au moins il ne va pas à droite, il prendra soin de mettre son canot droit, parce qu'attaquer un rapide de travers, c'est la baignade assurée. Le pique-nique est dans son canot, alors vous comprenez mon intérêt...

Je vois le canot se soulever et c'est parti pour un tour de manège, juste en bas il y a une toupie un petit ciré et puis un seuil, la petite chute ( 50 centimètres tout au plus) et le remou, après ça va. De mon coté, c'est une gentille glissade sans réelles difficultés. Son canot a passé! Il y a un dieu pour les imprudents. Nous arrêtons sur une pointe de sable, pour vider les 15 centimètres d'eau dans le canot, et là où je pense trouver un enfant paniqué, je vois la petite bête bien mouillée, mais hilare, excité et demandant de recommencer. Comme quoi, il est inutile de s'inquiéter pour la prochaine génération.

Le reste de l'excursion est sans histoire, si ce n'est que pour le catalogue des espèces de canards nichant dans l'est de l'Amérique, je pense qu'ils étaient tous là, de voir à chaque méandre une pauvre cane l'aile brisée nous faire son grand numéro et de comprendre la différence entre une sarcelle et un chipeau, un orme et un platane, entre un rat musqué et un vison. Les choses vraiment essentielles quoi!