Notre Mer Nourricière

En Amérique, on dit Pachamama, Terre-Mère. On pourrait aussi écrire Terre-Mer.

J'ai lu hier la traduction du dernier bouquin de Taras Grescoe : « Notre mer nourricière ». Pas de vraie révélation, j'ai souvent exposé dans ce blogue l'état désastreux de la vie dans les océans, et l'évidence des grandes famines que nous construisons présentement. Nos enfants mourront de faim, cette réalité est incontestable.

Mais durant 400 pages, Grescoe étale les faits et les nombres rendant la preuve indubitable. La multiplication par 2000 de l'effort de pêche depuis 1960 avec la chute des débarquements reste l'argument le plus évident que nous courons à la catastrophe.

Le cabillaud, le thon enfin les populations de tous les grands prédateurs de la mer sont en si mauvaises situations qu'il ne se forme plus les grands bancs qui sont nécessaires à la reproduction des espèces. C'est encore plus grave pour les espèces plus anciennes à reproduction très lente comme les tortues et les requins.

L'auteur donne aussi de nombreux exemples des fraudes qu'on peut voir dans les pêcheries, les sushis qui ne sont plus de thon, mais de baleine ou même de viande de cheval. Il documente aussi assez bien les abus de certains élevages de salmonidés. Il plaide pour la traçabilité complète, ce qui empêcherait les mensonges les plus grossiers.

Sauf qu'encore une fois, il fait porter le poids des nécessaires solutions sur les consommateurs, comme si une consommation éthique pouvait changer l'état des choses. Oui beaucoup de restaurateurs et de consommateurs veulent que la mer survive et cherchent à n'acheter que des espèces qui peuvent soutenir l'effort de pêche.

Mais comme dans tous les secteurs de la production alimentaire, ce n'est pas le marché, la demande qui fixe les conditions de production, mais bien les subventions et les politiques des états. Le porc est un bon exemple, parce que plusieurs États subventionnent tellement l'industrie de porc que les prix de cette viande dans les grandes surfaces sont bien inférieurs aux coûts de production.

De la même façon les États subventionnent des flottes de très grands chalutiers qui dépassent de très loin les capacités de la mer et qui doivent pêcher au-delà de tout ce qui est raisonnable pour rencontrer les nombres qui ont été inscrits dans les programmes de développement. Et comme il est impossible de vendre toute cette pêche à des prix sensés, on fait de la farine de poisson pour nourrir les cochons ou on fait de la colle.

Même en n'achetant pas de poissons, le massacre continuerait. Pour les pays riches, on trouvera bien des solutions, mais pour les pays d'Asie du Sud-est, et pour l'Afrique où la mer fournit l'essentiel des protéines, c'est la fin du Monde.

Encore une fois, la lutte est politique. C'est la pêche au chalut qu'il faut faire cesser.