L'épidémie se développe
jeudi 3 mars 2011, 15:59 General Lien permanent
C'est un thème récurrent dans ce blogue. Je continue à croire que la dépression est une grande menace pour nous tous.
Quand j'ai commencé ce blogue, il y aura bientôt 5 ans, une étude du CREDES affirmait que la prévalence de la dépression, le risque pour un individu s'était multiplier par 6 entre 70 et 97. Je viens de lire plusieurs articles scientifiques qui tendent à démontrer encore que la prévalence de la dépression a plus que doublé entre 1990 et 2010. L'important ici est simplement d'accepter l'idée que le développement de cette maladie a un caractère épidémique.
Bien sûr, le développement est beaucoup plus lent qu'une épidémie virale (la grippe par exemple) mais la durée de cette maladie est beaucoup plus longue qu'une grippe, et les conséquences beaucoup plus graves. Il n'y a pas encore de vaccin contre la dépression.
Jusqu'à présent, les traitements de la dépression consistent à fournir de l'énergie au cerveau surtout par une augmentation des taux de sérotonine et de dopamine (les différents antidépresseurs) et par des psychothérapies. Je n'ai rien contre les médicaments, quand quelqu'un se fracture un pied, on lui donne une béquille le temps qu'il guérisse. La béquille n'est pas la solution, mais sans béquille, la guérison est beaucoup plus difficile.
Je pense que l'épidémie de dépression va continuer de se développer tant que nous ne travaillerons pas à connaître la structure (disons l'ensemble des causes) qui induit l'apparition de la maladie chez les individus.
Pour moi, des éléments de cette structure sont principalement, la difficulté contemporaine à définir son clan, la difficulté à se définir comme acteur de sa réalité, la compétitivité de cette société qui rend tout le monde (ou presque) perdant tôt ou tard d'une part et la montagne de perturbateurs endocriniens que nous rejetons dans l'environnement d'autre part.
Je suis loin d'être au bout de cette réflexion. Je cherche encore et toujours des pistes qui nous permettraient de modifier notre environnement social pour éviter que de plus en plus de gens plongent et souffre. J'attends vos avis... si c'est trop personnel, on peut me rejoindre par la case contact dans la colonne de gauche.
Commentaires
Nos vies se sont compliquer ses derniers années, et surtout au boulot ou les gars sont sous pression pour pas dire harcèlement, moi personnellement je fais très attention avec mes collèges de travail, et puis comme je suis toujours de bonne humeur.
Le suicide est la première cause de mortalité en France pour les 35 45 ans, je croie que la dépression et sans doute la cause principale de se geste fatal !
Les grands esprits.... Je viens de publier un article sur les recherches actuelles sur le lien possible entre les épisodes de dépressions répétés pendant la vie et les démences neurodégénératives...
Et en plus j'ai pensé à toi, j'ai fait court !
Perso je pense que l'éclatement du clan familial pèse un lourd fardeau...
il faudrait isoler le virus, donc, et puis trouver un vaccin, et ce serait terminé. Malheureusement, ce ne sera pas si simple.
Et si la dépression était aussi le reflet de la malfaisance contre l'être humain ? Orchestrée savamment par ceux qui veulent un suprême pouvoir ? Lorsque leur but sera atteint, nous serons tous sous prozac ou autre pilule rose dernière née porteuse de Bonheur et d'Oubli, et tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes, non ?
(pas très joyeuse, moi, à soir )
Elle frappe même déjà des pays surprenant comme l'Inde...Tu as raison c'est une épidémie inquiétante
Sire Moukmouk, je venais te remercier (et Paulo se joint à moi) pour ton commentaire qui m'a touché . Et je le fais sur ce billet si peu rassurant , et qui plus est , me renvoie à mes propres fantômes - le sujet mérite vraiment que l'on se questionne .
J'ai connu également la dépression et je ne pensais pas qu'un jour cela puisse m'arriver. J'étais contre les médicaments mais une psychotérapie m'a fait énormément de bien. Cependant on en sort jamais vraiment indemne. Etre soutenu est primordial et surtout que les autres ne nous considèrent pas comme faible ou fou car je l'ai déja entendu.
J'ai connu la dépression, de l'extérieur (ma mère en a souffert) et plus tard de l'intérieur... Pour emprunter les mots de Luna, si on n'en sort pas indemne, on peut en sortir quand même transformé positivement. Tout dépend de l'environnement, du soutien...
Lyse--) c'est justement ce que je dis dans le billet suivant, apprendre à collaborer, à soutenir et accepter d'être soutenu.
Luna--) tu as farpètement raison, pour se sortir de la dépression, il faut se changer, il faut accepter des réalités, un monde qu'on ne connaissait pas avant.
Oui en effet, je crois beaucoup à l'influence du non-clan. Autrefois on était soutenu, les problèmes pouvaient être portés à plusieurs parce que suffisamment proches, les autres pouvaient voir rapidement qu'il y en avait. Maintenant on vit "tout seul"... on part loin, parfois on coupe des ponts... Mais c'est tellement difficile d'en reconstruire d'aussi bonne qualité. Et dans cette société de la performance, on n'aime pas avouer (d'abord à soi, ensuite aux autres) qu'on aurait peut-être besoin d'aide : ça fait "faible", ça envoie les mauvaises ondes.
Aujourd'hui où notre clan d'amitiés est au moins aussi fort que le clan familial dont nous nous sommes éloignés, je me supportée, entourée, je sais qu'en cas de problème, je peux appeler à n'importe quelle heure chez tel ou telle. C'est bon de savoir qu'on ne sera pas seul. C'est important aussi : il faut se sentir enraciné pour pouvoir aller puiser dans des réserves que parfois on ne soupçonne pas.
Dodinette--) et encore tu ne parles pas du réseau des odeurs, du lien biochimique qui unit les gens très proches. La famille restreinte ne constitue pas un clan parce que nous n,avons pas de gens dans notre groupe d,age à qui se confier. Et puis pour un vrai clan ça prend des jeunes mais aussi des vieux...
Tu as raison, c,est difficile d'accepter qu,on a besoin des autres, de ses amis, mais il faut le faire, nos amis ont aussi très besoin de nous.
Petites réflexions personnelles, pour ce qu'elles valent.
Je pense que le drame des liens actuels, c'est qu'ils sont éphémères. Des groupes se forment, mais dès que le groupe ne correspond plus à son idéal, l'individu tend à le quitter ou à l'amputer (en excluant certains membres). Il y a toujours des solidarités, mais pas de groupes unis "pour le meilleur et pour le pire". C'est la même chose pour les couples d'ailleurs. Je pense que cette absence de pérennité fragilise les individus, car ils sentent que s'ils s'écartent trop de ce qu'ils doivent être au sein de leur(s) groupe(s), ils risquent d'en être exclus, d'autant plus qu'eux-mêmes banniraient un congénère pour le même motif. Je me trompe peut-être, mais il me semble que l'appartenance au clan était plus profonde et pérenne.
Lune--) tu as tout à fait raison. C'est la faim et le danger qui gardaient le clan uni. Il n'y avait que peu de possibilités de vie en autonomie. Par exemple, produire sa nourriture par l'agriculture demande un regroupement, un humain seul n'aura que difficilement assez de production pour se nourrir lui.
Maintenant il n,y a que la vie autonome qui est valorisée, même si elle est toujours aussi impossible. Et trop souvent, les liens que créent l'effort commun, la protection commune sont replacés par sa représentation symbolique, le papier monnaie.
Je ne sais pas si on peut faire machine arrière ou tout le moins mettre les freins dans notre "belle société" capitaliste. Tout y est axé sur la performance, au détriment de l'individu. On dirait même que l'Individu lui-même est entrain de se dire: "Pour faire partie du clan, il faut que je sois performant", et que cette valeur devient la règle. Je parle de l'école, du travail, de la "réussite" sociale, d'être beau comme dans les pubs...Et en arrière de la performance, qui est un concept qui n'a pas de fin ni de limites, il y a la peur de ne pas performer *assez*! La peur...c'est malheureusement une base de notre belle société actuelle...Peur du voisin, peur de la différence, peur du feu, peur de la maladie, peur de ne pas être à la hauteur... L'état de peur est un sentiment viscéral, difficile à raisonner, dont on ne veut pas parler et qui nous isole. Et la peur de quoi au juste? C'est ce à quoi je tente de relativiser tous les jours...pour ne pas revivre la dépression. Car la peur est une des multiples facettes de la dépression. C'est là mon analyse, bien personnelle...
ouch ... sujet délicat et très actuel... je pense qu'il y a une part d'inné ou de prédisposition chez certains... et puis les évènements dans une vie qui t'épargne ou au contraire qui t'égratigne beaucoup ... et à ce jeu là on est franchement pas tous égaux...
la structure sociale, sociétale bien sûr n'arrange pas forcément les choses, c'est un ensemble explosif tout ça.... je ne connais pas la dépression perso mais je n'ai pas envie de tester un jour, ça c'est sûr... mais je ne donne pas cher de ma peau si demain mon conjoint me quitte ou un de mes enfants tombe gravement malade
Laurence--) Il faut faire attention à la notion d'hérédité dans ce contexte... Il y a certainement des gènes prédisposants, on constate de plus en plus que nous avons des gènes prédisposants pour tout et son contraire et que c'est l'épigénétique le contexte pour que le gène s'exprime qui est important. Que des familles créent des conditions favorables c'est évident.
la croissance rapide des nombres beaucoup plus rapide que la croissance des populations me laisse croire que le facteur génétique n'est pas si important, enfin certainement moins important que l'utilisation des plastifiants perturbateurs endocriniens
M-J--) tu mets le doigt sur le concept de productivité... et tu as bien raison. la financiarisation du monde nous coupe du sens de l'action. Il est devenu impossible de justifier notre travail parce qu'on nourrit les nôtres, la distance est trop grande, et même si on apporte toute sa paie à la maison, les besoins créés sont tellement immenses que le morceau de viande que nous avons chassé ne semble jamais les rassasier, n'est jamais suffisant.
Quand à l'idée de peur... je n,avais jamais réfléchi vraiment dans cette direction, mais elle est passionnante. je vais chercher.