Journée d'action Amérindienne
jeudi 29 mai 2008, 23:37 General Lien permanent
Aujourd'hui les Amérindiens du Canada font une journée d'action pour sensibiliser les Canadiens à leurs revendications. Je pourrais dresser une longue liste de problèmes qui nécessitent une attention immédiate, des villages sans eaux potables, une maison pour 3 familles, des services de santé et d'éducation moins que médiocres, ce serait la même qu'il y a 20 ans.
Je vais plutôt rappeler de la crise de 1990, de Kanesatake. Cette année-là, des entrepreneurs trop entreprenants ont voulu faire un terrain de golf sur des territoires qui appartiennent aux gens des Maisons longues, les Iroquois. Et comme à chaque fois l'Histoire joue un rôle très important. Et 1660, malgré l'appui de Tessouat, il est clair que le village de Ville-Marie, qui sera bientôt Montréal, est très menacé par le peuple de 5 Nations ( les iroquois). Les Français envoient les Jésuites négocier une paix.
Un certain nombre d'Iroquois (des horticulteurs) qui veulent revenir sur ces terres très fertiles, acceptent de se convertir et reviennent s'établir dans trois établissements qui protègent les voies d'accès à Montréal (Kanésataké, Kahnawaké, Akwesasné) qui sont situés aux lieux de portage sur le St-Laurent et la Rivière des Outaouais. Montréal est encerclé. Les Iroquois prélèveront des taxes sur tout le commerce entre la Colonie et le reste du continent, et surtout, ils contrôleront les routes des Algonquiens (ceux de la forêt) et les liens qui les unissent du Mississippi jusqu’au Grand Nord.
Après la prise de Québec par les Anglais (1760) les Anglais vont reconduire les traités signés par les Français parce que les États-Uniens menacent d'envahir le Canada. Les Iroquois se sont montrés fidèles à ces traités et à au moins deux occasions (1812 entre autres) ont massacré les tentatives d'invasion venant du Sud. Cependant comme toujours, les Anglais oublient qu’ils ont signé des traités, et les Iroquois n’ont pu réaliser leur rêve de contrôler économiquement l’Amérique.
180 ans plus tard, des promoteurs peu scrupuleux décident de faire un terrain de golf dans le territoire de Kanesatake. Comme toujours, l’organisation politique de la réserve (que les blancs imposent et financent) veut faire un compromis. Élaine Gabriel, la mère des clans, posera un geste qui a surpris tout le monde : elle lèvera la loge de sang( c'est une traduction bien gauche, il faut être plus versé que moi dans les traditions des Iroquois pour bien comprendre la société des guerriers ou la loge de sang). Par ce fait elle transfère son pouvoir politique sur la communauté à l’assemblée des jeunes hommes et des adolescents, qui, à sa demande, prendront les armes pour défendre le cercle, ce qui est l'essentiel de la communauté. Immédiatement, les autres mères de clans Iroquoises lèveront aussi les loges de sang en solidarité. Ainsi, un pouvoir que tous croyaient disparu depuis longtemps s’est révélé être la seule force capable d’avoir une véritable action politique.
La police du Québec, n’ayant aucune idée de son adversaire, a stupidement décidé de se battre. Heureusement, il n’y a eu qu’un policier mort avant qu’ils ne reculent. L’armée canadienne vint en renfort. Cependant, ils avaient eu le temps d’apprendre que les jeunes Iroquois préfèreraient mourir plutôt que céder, aussi on négocia durant plus de 90 jours, jusqu’à ce que les revendications iroquoises soient satisfaites, et comme toujours reniées quelque temps après, mais c’est une autre histoire...
Comment se fait-il qu’une tradition aussi ancienne ait survécu deux siècles et que malgré toutes les tentatives des prêtres et des gouvernements, le pouvoir de la mère des clans s’affirme aussi fortement? Est-il possible qu’après tout ce temps, la culture des Amérindiens soit toujours vivante? J’espère simplement que nous n’aurons pas encore besoin de conflits et de morts pour nous en apercevoir.
Commentaires
En arrivant au Québec, j'ai été surprise de constater que les communautés autochtones vivaient si séparées du reste de la population; du fait que personne ne connaissait vraiment (ni se souciait véritablement ?) de leur culture, leurs aspirations ... Je ne juge pas car je ne connais pas assez l'histoire mais il y a certainement beaucoup à faire pour que les différentes composantes de la société québécoise (et canadienne) se côtoient dans le respect et l'égalité.
Stef--) il y a des raison pour cela. Les lois d'abord, qui font tout pour séparer les deux groupes. Ensuite la volonté d'assimiler et de détruire la culture surtout ceux de la forêt, alors les gens d'ici n'ont aucune idée de la culture des amérindiens, à moins d'en avoir dans leurs familles...
Tu poses une question difficile. Que la tradition ait survécu, ce n'est peut être pas tout à fait étonnant, elle survit aussi longtemps que les hommes la porte en eux et peuvent se la dire comme un lien entre eux. Mais si ces hommes se mélangent, s'intègrent aux autres peuples dont le Canada est composé, parce qu'ils tombent en amour, parce que leur curiosité les pousse hors du clan, parce que le territoire est devenu trop petit, leur culture perd en intensité parce qu'elle se métisse. Mais je crois, sans être aucunement spécialiste, que la culture des ancêtres reste un de nos fondements, que nous portons en nous plus ou moins consciemment, et que cette survivance là dure très, très longtemps.
Mais évidemment cela ne donne pas le droit de faire n'importe quoi, de bafouer les droits humains, de laver les cerveaux à grand coup de télé et de consommation, par exemple !
Et bien, ça donne des frissons de plaisir, qu'on n'ait pas réussi à faire disparaître toutes ces traditions. Qu'il y ait encore un respect, et que les amérindiens aient conservé cela.
Coïncidence, justement aujourd'hui cet article...
www.lemonde.fr/ameriques/...
Je crois qu'il est relativement rare que les liens culturels échappent au métissage, en dehors de deux circonstances: l'ostracisme de la part du groupe dominant et la religion. Ces deux circonstances posent les déterminants du maintien culturel en dehors du groupe lui-même.
"ILS ne nous aiment pas" ou " C'est pas nous qui décidons, c'est Dieu" fixent plus longtemps ce qui, ailleurs, se dissout dans des aménagements avec le réel, dans les négociations entre ce que l'individu veut garder de son groupe, et ce qu'il en rejette, dans ce qui, d'un seul coup passe du registre du support à celui de l'oppression. (manger casher, c'est très, très astreignant- pis exiger la virginité des filles, c'est peut-être pas forcément le top, pis les Anciens, c'est achement rabat-joie, etc...) -
Et toujours, des présupposés culturels qui font que dans le groupe dominant, certains accueillent d'un oeil favorable ou non, le refus d'assimilation (tibet bon, islam mauvais -j'exagère, mais à peine), avec les effets paradoxaux que cela peut avoir, justement.
En fait, la question posée, c'est : est-il possible d'avoir et de maintenir une culture en dehors de tout lien géographique, linguistique, de rapport de droit, de nourrissage des petits, de façon de se raser ou de laisser pousser le poil, et surtout, sans cette part d'inconscience qui nous fait penser que la culture s'exprime plus fort chez les autres que chez nous. Une culture agissante me semble toujours en partie aveugle.
Dès qu'un évènement vous force à en prendre conscience, elle me semble toujours menacée de s'émietter, de se folkloriser.
Mais bon, faudrait poser la question à un ethnologue...
Je crois qu'il est relativement rare que les liens culturels échappent au métissage, en dehors de deux circonstances: l'ostracisme de la part du groupe dominant et la religion. Ces deux circonstances posent les déterminants du maintien culturel en dehors du groupe lui-même.
"ILS ne nous aiment pas" ou " C'est pas nous qui décidons, c'est Dieu" fixent plus longtemps ce qui, ailleurs, se dissout dans des aménagements avec le réel, dans les négociations entre ce que l'individu veut garder de son groupe, et ce qu'il en rejette, dans ce qui, d'un seul coup passe du registre du support à celui de l'oppression. (manger casher, c'est très, très astreignant- pis exiger la virginité des filles, c'est peut-être pas forcément le top, pis les Anciens, c'est achement rabat-joie, etc...) -
Et toujours, des présupposés culturels qui font que dans le groupe dominant, certains accueillent d'un oeil favorable ou non, le refus d'assimilation (tibet bon, islam mauvais -j'exagère, mais à peine), avec les effets paradoxaux que cela peut avoir, justement.
En fait, la question posée, c'est : est-il possible d'avoir et de maintenir une culture en dehors de tout lien géographique, linguistique, de rapport de droit, de nourrissage des petits, de façon de se raser ou de laisser pousser le poil, et surtout, sans cette part d'inconscience qui nous fait penser que la culture s'exprime plus fort chez les autres que chez nous. Une culture agissante me semble toujours en partie aveugle.
Dès qu'un évènement vous force à en prendre conscience, elle me semble toujours menacée de s'émietter, de se folkloriser.
Mais bon, faudrait poser la question à un ethnologue...
Pourquoi ce crétin de captcha m'a incité à recommencé la manoeuvre, s'il a finalement accepté de considérer que 2 fois 21 font bien 42?
Méfie-toi, captcha oppresseur de commentateur, les blogueurs pourraient se révolter.
avec
recaptcha.net/learnmore.h... par exemple.
Anita--) J'ai enlevé le doublon. Peut-être que l'état qui a créé les réserves pour rendre impossible la survie de la culture amérindienne a justement créé le milieu qui favorise sa survie? Je partage ce que tu dis, une culture agissante est aveugle parce qu'elle explique une référence, "une monde" qui est un construit de cette collectivité. Ce construit est très rarement adapté aux nouveaux problèmes.
Merci pour le re-captcha je vais en parler à Dam
DDC--) Merci du lien, j'espère que les Brésiliens continueront à leurs foutre la paix. Le contact de nouveau groupe produit généralement une disparition rapide du groupe par les épidémies. Mais généralement ce groupe fait du bon travail. Ces indigènes savent (jusqu'à un certain point) que notre monde existe, mais ils ne veulent pas nous contacter alors respectons au moins cela.
Saveur--) Pourtant, je ne crois pas qu'il y ait des amérindiens génétiquement "purs", (ça n'a aucun sens) ils sont tous passablement métissés. Contrairement au Juifs par exemple, le lien c'est la culture et c'est cela qui m'étonne.
Intéressante ta question l'ours ? En grand péril certaines cultures retrouvent des gestes et organisations ancestrales pour défendre leurs intérêts . Il y a de la grandeur dans ton histoire et de la transmission de valeurs , transmission à laquelle je crois énormément si on ne l'enferme pas dans un carcan muséal pour la rendre inoffensive . L'éducation , le progrès au service des cultures opprimées qui se servant du savoir conjuguent la tradition en parallèle pour des causes justes ce n'est pas pour me déplaire .
mais ? mais ? mais ?
je croyais que le village d'Hochelaga, base de Montréal, était une "longue maison", donc iroquois ??
j'me serions trompée ou bien ??
et sinon, OUI la culture amérindienne est toujours vivante, et même elle a transpiré dans le Québec d'aujourd'hui. suffit de voir la place qu'y prennent les femmes, leurs avis, leur influence, à tous les niveaux de la société ! en comparaison avec d'autres pays (suivez mon regard...) c'est drôlement "avant-gardiste" pour l'époque actuelle !
Dodinette--) tu as tout à fait raison. Mais c'est un peu plus compliqué, suite à la trahison de Donnaconna en 1535 pohenegamouk.free.fr/inde...
L'union de ceux de la foret mené par Tessouat ont mené une guerre qui s'est terminé en 1602 et a permis le retour des français.
pohenegamouk.free.fr/inde...
Montréal avait eu des Maisons longues, mais n'en avait plus depuis très peu, d'où la volonté des Iroquois de reprendre ce territoire très fertile et déjà aménagé pour l'horticulture.
Le golf d'Oka... C'était pendant l'été, j'étais au Canada. Je n'avais pas bien compris, à l'époque.
Bismarck--) Oui, le drapeau qu'on a vu flotté à Oka est celui de la société des guerriers, les mères de clans ont toujours hésité à utiliser ce pouvoir parce que c'est une chose d'appeler les jeunes au combat, et c'est une autre de réussir la paix après.
Leur foutre la paix ? Hélas rien n'est moins sûr, puisqu'il y a du pétrole en jeu
www.lemonde.fr/ameriques/...
DDC--) tu as bien raison... Et il y a un autre massacre qui se prépare en Bolivie, j,en parle ce soir.