Reprise: Ode à Koi-koi
dimanche 27 juillet 2008, 12:57 General Lien permanent
Un vieux vieux texte, mais j'ai la tête et le coeur aux les oies. Et puis, je ne peux pas oublier cette vieille amie.
Hier, j’ai fait un grand trou près de la rivière pour planter un saule.
Je connais Koi-koi, une vieille oie des neiges, depuis une quinzaine d’année. Chaque fois qu’elle passait, allant au Nord ou revenant vers le Sud, elle s’arrêtait sur le lac, et venait me conter ses histoires…
C’est bien connu, ce sont les loups, ceux qui nous ont montré le voyage et l’équilibre des choses, qui ont appris aux chiens à parler, et les chiens ont appris aux oies. Il s’agit de comprendre le chien, et on s’habitue rapidement à l’accent particulier des oies. La langue des chiens du Nord est différente de celle des chiens du Sud, parce que ceux du Nord se parlent surtout entre eux, alors que ceux du Sud parlent à beaucoup d’animaux.
Sauf quand ils courent, les chiens du Nord sont très bavards. Toujours à raconter des histoires, à se houspiller entre eux, à vouloir dire aux autres le plaisir du voyage, ce que les oies comprennent très bien.
Depuis une quarantaine d’année, Koi-koi passait ses hivers dans les champs de maïs très pollués de l’Indiana. C’était une commère chicaneuse, habile aux coups de bec, souvent criarde, dénonçant les humains avec violence, mais aussi la meilleure mère qui soit. Elle venait me dire sa haine, sa rage et ses espoirs, contente d’avoir un auditeur en apparence attentif. Je pêchais et lui donnais les petits poissons.
Cette année, elle a fini son voyage sur le lac. Ses vieilles ailes, presque figées par l’arthrite, ne la portaient plus.
Hier matin, comme presque chaque matin, je suis allé voir le lever du soleil sur le quai, faisant semblant de pêcher, histoire de m’occuper les pattes. J’étais content quand Koi-koi s’est approchée pour me faire la conversation. Je m’attendais au cancanage habituel mais non, elle avait un discours différent.
Elle m’expliqua qu’elle ne pourrait retourner au Sud. Qu’elle ne voulait pas mourir de froid et de solitude sur le lac. Et qu’une fin digne d’une oie, c’est d’être mangée. Qu’elle voulait que je mette fin à ses douleurs de vieillarde. Elle s’est approchée de moi. Pour la première fois, je l’ai touchée. Je l’ai caressée. Et d’un geste sec de la patte, j’ai brisé ce grand cou si fragile. Des frissons nerveux ont parcouru son corps durant quelques secondes, et la vie est partie.
C’était trop dur, je n’ai pas pu manger mon amie, je l’ai mis dans le grand trou sous le saule. Je suis sur que l’oie et le saule en seront heureux.
Ce matin un eider à duvet est venu me parler alors que je pêchais sur le quai. C’est bizarre les eiders sont des oiseaux de mer qu’on ne voit que très rarement sur un lac. Est-ce que quelqu’un parle l’eider? il me faut apprendre rapidement ce langage…
Commentaires
C'est triste, et c'est un geste bien difficile et qui serre le coeur. Mais sans doute le mieux que l'on puisse faire pour des animaux qui souffrent et ne peuvent plus vivre leur vie, ne peuvent plus vivre une vie autonome.
Moi, j'ai la ressource d'amener ceux que je trouve blessés, parfois dans mon jardin mais le plus souvent au bord de la route, chez le vétérinaire. La fin est malheureusement la même. Ce qui me réconforte c'est de me dire qu'ils ne souffrent plus.
Je ne te raconte pas les cas, c'est trop dur. Même si le temps passe, je continue toujours à penser à ces animaux. Alors, quand on les voit bien vivants, pleins de force, comme l'eider dont tu parles, c'est un vrai bonheur.
La mort fait partie de la vie. On veut le refuser parce que cela nous rappelle comme nous sommes fragiles, la vie a besoin de nos restes.
Je me souviens bien de l'histoire de koi-koi et ça ne m'étonne pas que tu l'as raconte en ce moment.

Tu sais, quand tu ne pourras plus bouger, je te vois bien comme conteur, en veillée
www.neatorama.com/2008/07...
Rien à voir, mais ça m'a fait sourire, ce qui montre que je suis restée très puérile
Pinaise la capcha me censure une fois de plus.
Le saule saura sans doute te consoler; c'est un bel endroit pour que Koï-koï repose.
Cette histoire me rappelle une chanson -que j'aime beaucoup-d'Angelo Bruanduardi : " Le don du cerf " . Je ne résiste pas au plaisir de la partager avec vous:
« Dîtes-moi mon maître,
De tant de terres et tant d’eau,
De tous vos voyages,
Lequel est le plus beau?
Les têtes coupées en quatre,
des grands et vieux tigres,
En tapis qui s’étirent
Aux pieds de ta vie. »
Sur les collines,
Au mois des grandes chasses,
Dans tout l’espace,
Je marchais sans repos.
C’est ainsi que le cœur gros, en boule,
Je tendais pièges et collets en foule.
Mais c’est un cerf magnifique
Qui devant moi se dressa…
« Mon destin s’achève,
La mort est sur mon dos.
Tout ce qu’elle me laisse,
Je t’en ferai cadeau.
Mes deux grandes cornes,
Les bois des bêtes.
Dans mes deux oreilles:
Tu pourras boire
Aux demoiselles du miroir de mes yeux d’eau.
De mon poil lisse,
Fais- toi faire des pinceaux.
Si mes chairs te nourrissent ,demain
C’est ma peau qui te réchauffera
Et le plus grand des courages,
De mon foi tu tireras.
Et encore une fois, mon seigneur-roi,
Le corps de ton cerf te fera gloire,
Chair résignée de l’histoire
Et en toi il fleurira «
« Dîtes-moi mon maître,
De tant de terre et tant d’eau,
De tous vos voyages,
Lequel est le plus beau?
Lequel est le plus beau ?«
Oui, Moukmouk, nous sommes bien fragiles et oui, je crois , moi aussi, que la vie a besoin de nos restes ...