Anticosti mon amour

Un grand banc de coraux dans une mer chaude et peu profonde. Des milliards de petites vies construisent la planète.

Il y aurait un beau livre à écrire sur la formation de l'ile d'Anticosti. Sur les bords de ce qui deviendra l'Afrique, une grande barrière de corail à la rive d'un océan en train de naitre. Puis un mouvement tectonique soulève ce tas de calcaire si haut que durant la glaciation suivante, cela formera un Nunatak, une montagne si haute qu'elle perce la plaine de glace de 3 kilomètres d'épaisseur. Et puis cet immense voyage des continents qui confirme ce que pensait les Amérindiens, nos continents sont des grandes tortues qui s'approchent et s'éloignent au gré de leurs amours.

Sous le bassin parisien, il y a aussi un grand banc de coraux, beaucoup plus grand qu'Anticosti, et qui le résultat de milliards et de milliards de petits organismes vivants se couvrant d'une coquille de calcaire pour ne pas être mangé par les prédateurs. Partout sur l'ile on voit des fossiles, les restes de toute cette vie foisonnante. Encore une fois, la preuve que notre petit caillou qui se balade dans l'espace a été transformé par des organismes vivants pour rendre la vie possible pour des organismes plus complexes. Sans l'action des cyanobactéries, le taux d'oxygène sur terre serait trop bas pour permettre l'existence d'organismes multicellulaires. On pourrait remonter comme ça jusqu'à l'apparition de l'écriture, simplement une autre étape dans la lutte contre le froid, pour la conservation de l'énergie.

Le carbone de ces organismes vivants est descendu lentement jusqu'au socle rocheux sous le calcaire, a été cuit sous la pression et a formé la soupe visqueuse que nous appelons pétrole. Parfois, comme à Anticosti ou sous le bassin parisien, la pression et la température ne sont pas suffisantes pour que cuise la soupe, il n'y a que du pré-pétrole qu'on nomme kérogène.

Avec des manipulations chimiques et de la cuisson autour de 500 degrés, il est possible de faire du pétrole avec le kérogène. Sauf que c'est généralement trop cher, et à l'exception des sables bitumineux de l'ouest canadien (une forme particulière de kérogène) on se contente généralement de bruler ce pré-pétrole pour faire de l'électricité. Pour des raisons de composition chimique, c'est beaucoup plus polluant que le pétrole et même le charbon.

Partout dans le monde, il y a des tentatives de mise en exploitation des kérogènes. Puisqu'il semble que ce ne soit pas encore rentable, il faut se demander pourquoi... ma réponse, ceux qui sont prêt à parier des fortunes là-dessus savent sans doute qu'il n,y a presque plus de pétrole conventionnel et que très bientôt la hausse des prix rendra rentable ce genre d'exploitation.

Anticosti est vraiment un joyau, une magnifique création de la vie. J'espère que jamais le gouvernement ne permettra qu'on la détruise pour bruler les kérogènes. Il y a trop de carbone dans l'air, en rajouter ne fait qu'accélérer la fin de la tentative humaine.