La terrible bête
mardi 6 juin 2006, 00:33 General Lien permanent
Si on parle de la dépression, on vous répond qu’il faut agir sur la recapture de la sérotonine, ou sur la dopamine ou… la chimie du cerveau est en cause. C’est vrai, mais la chimie du cerveau, ce n’est pas indépendant de la vie. En 1950, la dépression était une maladie très rare ( une personne sur 50 000) et très grave, qui réagissait bien aux électrochocs. Maintenant dans les pays dits développés, c’est une personne sur dix qui connaîtra un épisode de dépression grave dans sa vie, et dans certains pays une personne sur 5. En France, (selon le CREDES) la prévalence de la dépression a été multipliée par six entre 70 et 97 et l’augmentation continue encore.
C’est vrai que quand notre outil est un marteau, tous les problèmes sont des clous. On ne sait pas ce qui se passe c’est donc de la dépression. Et puis, non! Il y a réellement un problème. Cette épidémie est une conséquence de l’organisation sociale, de notre mode de vie. L’humain est un animal clanique depuis plus longtemps qu’il est ce que nous qualifions maintenant d’humain, et ce n’est pas les derniers 50 ou 100 ans qui y changent quelque chose. Nous sommes fait pour vivre dans un réseau très dense de sensations, d’odeurs, d’interactions qui nous sécurise et nous identifie continuellement comme membre d’un groupe, qui affirme notre identité d’un « je » parmi un nous.
La dépression c’est le manque de cette relation. La dépression est une maladie de la communication.
J’ai une amie très chère, une femme forte, une mère parfaite, une réussite professionnelle, et pourtant. C’est un barrage qui protège le bonheur et la sécurité de ses enfants contre le monde, contre les autres, et pourtant. Derrière ce barrage monte l’amas de toutes les petites misères des jours et qui se noie dans une rivière de larmes qui ne sortent jamais. Ou presque, on voit bien que la pression est trop forte, ça craque, ça coule un peu partout, semble-t-il pour rien… j’ai peur.
J’ai peur que le barrage cède, et s’il cède, ceux en aval seront touchés, cela fera des dégâts. Et comme il n’y a pas de sortie à ce puissant barrage, comment ne cédera-t-il pas?
Je suis intimement persuadé que vous aussi, vous connaissez des personnes comme mon amie. Comment leur dire que nous avons besoin des autres, et qu’il y a beaucoup des autres, moi, vous et combien d’autres, tous prêts à simplement être là, à écouter, à toucher, sans vraiment trop comprendre, sans vraiment avoir de solution à donner.
Parce que la seule solution est de faire sentir que oui, tu n’es pas seule, tu es parmi nous.
Commentaires
Moi aussi j'ai une amie dans ce cas.
Ce que je tente de d'expliquer c'est qu'avant que cela ne craque, si on pouvait leur expliquer que la solution est avec les autres, que de se creuser ne nous donne pas de réponses.Une amie qui pourrait être une tante.
Elle vit loin. Elle a déjà craqué. Malgré ses beaux enfants, son cher mari, tous ses amis, elle a craqué. Ca fait des années que ça dure (que ça survit) et les traitements n'y font rien, ou si peu. Même les plus lourds, même les électrochocs.
Est-ce que ça veut dire qu'on ne sait plus faire sentir qu'on est là, tout autour ? J'en ai bien peur... et j'ai très peur pour elle...
Hello Moukmouk,
----) Chère Trolette, c'est vrai qu'aider une personnne qui est entrée dans le cycle de l'isolement est très difficile, il faut plutot faire le plus possible avant que la personne entre dans le trou, lui permettre de s'ouvrir aux autres. Et non nous n'avons pas chacun notre baluchon à trainer, ce que je tente de dire c'est que nous sommes fait pour vivre dans un groupe qui traine collectivement le balluchon. Mais notre mode de vie actuel veut nous couper de ce lien essentiel. Je vais tenter d'expliquer mieux cela bientôt.Le truc avec la dépression, c'est que tant que le "dépressif" ne se sent pas d'y faire quelquechose (thérapie quelconque), qu'il y trouve des "avantages" à sa situation, la seule chose qu'on puisse faire c'est d'être vigilant.
Aider, aider vraiment, aider efficacement, ce n'est pas une chose aisée; cela demande beaucoup d'amour et d'humilité. Parfois même, aider, c'est ne rien faire, justement...
Il est très important de bien définir ses limites pour ne pas porter la charge de l'autre à sa place.
Oui, c'est vrai, c'est très dur de voir quelqu'un qu'on aime crouler sous le poids, on est bien tenté de le décharger quelques temps histoire qu'il se requinque.
Mais non seulement son fardeau ne s'allègera pas par l'opération du saint esprit et quand il reprendra sa valise, elle sera toujours aussi lourde et par effet de contraste paraîtra encore plus lourde (et en effet secondaire parfois une rancune envers celui qui lui a rendu le paquet en l'état...), mais chacun a son baluchon à traîner et ce n'est pas égoïste que de connaître ses limites et de les faire respecter.
Ceci n'empêche pas que lorsqu'on y est pour quelqu'un, on y soit pleinement, mais pas en permanence. M'enfin, pas facile de se dépatouiller avec son sentiment d'impuissance... et ce sentiment est bien le sien propre et c'est à soi de faire avec...
Comme le disait l'autre (il me semble qu'ils sont plusieurs en fait), pour en sortir, faut d'abord y être entré. Ce n'est qu'arrivé au fond de la piscine qu'on peut donner le coup de talon salutaire. Et parfois, le bassin est bien profond... Ceci dit, on n'est pas obligé de plonger en apnée et sans accompagnement, bien au contraire. Mais c'est au plongeur de décider comment il plonge.
Y a pas de recette miracle, y a que le travail sur soi qui puisse consolider le barrage dans un premier temps, permettre de laisser à nouveau le fleuve couler selon son lit ensuite, sans entrave surdimensionnée. Mais tout çà, il faut le faire pour soi, pas pour faire plaisir à qui que ce soit d'autre.
En conclusion, je dirais qu'aider l'autre, c'est d'abord s'aider soi à accepter que peut-être, il n'y a rien à faire.
Peut-être seulement ;o)
Voilà pourquoi je m'escrime à dire à mes chers élèves (et je ferai pareil avec mes enfants) "fais de ton mieux" et non "sois parfait".
Merci Heidi--) on est aimé parce qu'on fait parti de, si on s'en exclut c'est là que commence les problèmes. Dans l'école, il arrive qu'on est exclu mais cela est un autre problème.Il faut quand ils sont encore jeunes leur faire comprendre qu'il faut savoir se tourner vers les autres, qu'on est pas obligé de tout maîtriser seul.
Il faut leur dire qu'on les aime aussi parce qu'ils ne sont pas parfaits et irréprochables
être là oui... mais, il ne faut pas se leurrer, seule la personne touchée peut vraiment y faire quelque chose... je le sais parce que je me suis retrouvée extrèmement fragilisée à un moment donné moi même et parce que je connais plusieurs personnes au bord ou dans la dépression même... le problème qui se pause c'est que, lorsque on est aussi fragile, on a tendance à multiplier les galères parce qu'on n'arrive plus à se protéger et les conseils des amis n'y changent rien... du coup, on se fragilise chaque fois un peu plus... il n'y a pas de solution miracle, je crois si ce n'est, comme dit Heidi, savoir accepter son imperfection avec philosophie et réapprendre à regarder le verre à moitié plein et non plus le verre à moitié vide... mais ça ne se fait pas en un jour et c'est parfois quelques petites victoires sur soi-même qui vous donne un peu d'aplomb au fur et à mesure... enfin, ça a marché pour moi mais ça ne marche probablement pas pour tout le monde...
Oui Doune-- ) C'est vrai, c'est là la clé. Ce que je tente de dire c'est que la dépression est un processus de repli sur soi, avant d'entrer dans le cycle de repli il faut trouver des façons de s'ouvrir, c'est difficile, mais quand il y a une tentative, espérons qu'il y aura quelqu'un autour pour aider.Bonjour Moukmouk,
J'ai connu quelqu'un qui espérait que le barrage cède... Il espérait tant et tant qu'un jour il a eu un grave accident. Dont il est sorti indemme... mais tourneboulé ! Il a eu si peur que face à la mort, inconsciemment défiée, réellement frôlée, la vie lui est apparue plus cruciale, plus forte que les angoisses du quotidien. Cela n'arrive pas à tout le monde, et il n'est sûrement pas souhaitable de voyager si loin pour pouvoir comprendre.
Il y a d'autres gens, fragiles aussi mais soucieux d'assumer leur vulnérabilité, et de lui trouver un sens dans le monde vivant, qui cherchent à entendre l'inaudible, à voir l'invisible, à sentir l'insaissable du quotidien.
Parmi eux, il y a ce compositeur que tu aimerais surement et dont voici le disque :
Jean-Paul Dessy (*1963) : The Present's presents (9 cordes et violoncelle) / The Prey's Prayer pour flûtes et oiseaux (9 flûtes et électronique) / Ode au Fado (11 cordes et pianoforte) / Orée-Oraison-Hors-Raison (2 violons, alto et violoncelles) / Fable Ineffable pour cordes, dauphins, baleines et loups (9 cordes et électronique). Ensemble Musiques Nouvelles dir. Jean-Paul Dessy (LDC 2781144)
A bientôt
Coucou grand ours
Ca me rappelle des choses ce que tu dis là...
Peut-être que certains commentaires sont justes, à propos du fait d'accompagner ou non la personne en dépression.
Mais ce que tu dis est tellement juste, c'est si important de sentir qu'on peut se reposer sur des gens qui pensent que "nous" sommes ensemble, avant d'en arriver à une vraie et grave dépression.
Je trouve qu'on se tourne de moins en moins vers les autres, et c'est si triste de voir qu'il est presque suspect d'échanger un regard ou un sourire avec des inconnus. Alors se laisser aller à accepter d'être épaulé...
Et puis, il y a aussi cette espèce de fuite en avant qui empêche de dire les vraies choses avant qu'il ne soit trop tard, parce qu'elles ne semblent pas acceptables, et ça détruit lentement mais sûrement.
Je pourrais en faire des tartines, mais je m'arrête là
Merci de nous ouvrir ton espèce, monsieur l'ours
Une personne m'a dit un jour l'été dernier : "ce qui définit un homme, ce sont ses liens avec les autres."
Un ours de mes amis m'amène à penser qu'en plus des liens avec les autres hommes, ce qui nous définit ce sont tous les liens que nous créons, avec les hommes ou avec notre environnement.
Je me range du côté de Trolette et Doune - travail sur soi - je crois que c'est "le mot".
ET je crois en effet qu'il n'y a rien à faire à part ça, sauf justement vivre parce la thérapie se trouve sans doute là, dans la vie de tous les jours.
> Bang Bang : oui, bien sûr, que la clé est en soi, mais les autres peuvent aider à trouver la force d'aller y creuser
La société actuelle fait en sorte que nous n'avons plus le temps.. il faut désormais faire tout très vite, et surtout être parfait. L'exigence sociale est telle qu'il est difficile d'être à la hauteur, mais bien plus facile de craquer. Je suis d'accord avec tout ce que j'ai lu ici. Prendre le temps d'être avec les autres, ne pas oublier de leur dire qu'on les aime, qu'ils comptent pour nous ... ça sert inévitablement à soutenir et être soutenu. Mais il me semble important d'ajouter que lorsqu'une personne est déjà très mal, il ne faut pas lui dire que ce n'est pas grave, qu'il faut positiver, se remuer, se prendre en charge.. ça ne fait que lui ajouter de la culpabilité. Et il est aussi extrêmement usant pour les personnes de l'entourage de tenter de faire au mieux. Mon avis est qu'à ce moment, le mieux est d'essayer de persuader la personne de consulter une personne spécialisée, un médecin.
"le travail sur soi, c'est une solution qui ne s'applique qu'aux forts."
Pas d'accord Moukmouk ! Y a pas de forts ni de faibles. Il y a des gens qui connaissent leurs limites et d'autres qui, pour des raisons aussi multiples qu'il y a d'individus, n'arrivent pas à en prendre la mesure.
Force et faiblesse cohabitent en nous à chaque instant, et dans la force il y a une part de faiblesse et inversement. Yin et Yang, pour avoir une image de ce que je raconte.
Moi je trouve que notre mode de vie ne nous laisse pas le temps de trouver notre mode de fonctionnement. L'isolement et l'enfermement sur soi ou même le pétage de plomb sont parfois les seules armes que l'on puisse trouver pour créer cet espace-temps nécessaire aux grandes remises en question, pour avoir ce recul nécessaire face aux événements de la vie, ou même tout simplement pour acquérir certains apprentissages.
Quand il FAUT savoir lire à tel âge, qu'après tel autre, ON NE DOIT PLUS réagir comme ci ou comme çà... on ne nous laisse pas le temps.
Voilà, moi je trouve qu'on manque de temps, parce que quelques hommes font parler des statistiques qui devraient être des outils de compréhension et pas des moyens d'éducation.
Mais rien n'est définitif, suffit de laisser du temps au temps...
Tiens, une question que tu pourrais lui poser, çà : "A ton avis, qu'est-ce qui pourrait bien t'aider, là, en ce moment ?"
Parce que finalement, il n'y a bien qu'elle pour savoir exactement ce dont elle a envie/besoin, non ?
C'est vrai que notre mode de vie rend parfois difficile la création de lien avec un groupe. Et en même temps... Moukmouk, que faisons nous, tous ensemble, là, sur ton blog, que de partager des bouts de nos expériences, nos peines, nos joies, de créer du lien ? Entre "parfaits" inconnus ?
Notre mode de vie actuel n'a pas que du mauvais, non ?
;o)
Biz
Nziem--) j'aime ce que tu dis, la dépression est une maladie sociale, ce que je tente de définir comme une maladie de la communication. Il faut maintenir la communication avant que le cycle dépressif ne s'intalle parce qu'après les non-proffessionnels comme nous avons beaucoup de difficulté à lui dire nous sommes-là. C'est justement cela la dépression se croire seul.
Trollette--) Cette idée de la limite de "soi" d'un "je" est pour moi bien difficile à comprendre, à accepter. C'est vrai qu'une fois le cycle de l'isolement enclenché, il faut bien tenter de s'en sortir seul, fort ou faible, puisque les contacts avec les autres sont si difficile.
Et ce que nous faisons ensemble, c'est de créer un nouveau type de lien, un nouveau clan, et peut-être de le faire à plusieurs niveaux en même temps, symbolique ( vous m'accepter comme ours) en même temps affectif ( j'aime vraiment mes correspondants, un nouveau sentiment qui n'implique pas la sexualité), en même temps rationel et poétique. C'est peut-être ( je ne sais pas) un nouvel outil pour sortir de l'isolement que cette société tente de nous imposer.
Je ne suis pas d'accord avec toi Moukmouk ,)
Pour soigner ses peurs il faut commencer à accepter la vérité, pire apprendre à la voir. Prendre conscience se fait seul. Même si on utilise pour cela tous les "outils" que la vie met à disposition.
(... Si un faible est quelqu'un qui casse plus facilement alors il s'en sortira plus vite... du carcan.)
"Ne me secouez pas, je suis plein de larmes", disait Henri Calet dans un livre appelé "PEAU D'OURS" (ça ne s'invente pas !). Peut-être que nous en sommes tous là. Il me semble à moi, qui ai souvent connu des moments d'extrême désarroi et d'intense solitude (ça va ensemble), qu'il faut en passer par là pour connaître des joies profondes. Et que toute émotion forte mêle la joie et la peine. Le plus dangereux est sans doute de dresser ces fameux barrages, comme une solidité feinte qui s'effondrera d'autant plus violemment un jour ou l'autre. Peut-être, en tant qu'amis, pouvons-nous aider ceux qu'on aime à accepter mieux leur fragilité, à en avoir moins peur, et leur apprendre à verser quelques larmes de temps en temps, histoire de vider un peu les eaux retenues en amont...
Il y a maladie du mental surtout.. et névroses. Le moule n'est pas dans le problème de la communication.
La communication est l'effet d'une cause.
La cause c'est le moule.
La limite de "soi" d'un "je" ?
Je ne vois pas trop bien de quoi tu parles...
Mais j'ai envie de te répondre : Opakoué, le lieu où s'oppose et se joint ce qui vient du dedans et ce qui vient du dehors.
ça se trouve, je suis complètement à côté de la plaque ;o)
Bang bang > ah j'aime bien comme tu dis ça, tiens !
Gaëlle > ben voui, se blinder pour ne plus vouloir ressentir le "mauvais" (tout est relatif comme disait l'autre !) c'est aussi se priver de ressentir le "bon".
Trolette > J'ai glissé le long de ta pensée ,)
Je sais que c'est parfois difficile de faire les différences, mais ce que je tente de dire c'est que justement la dépression n'est pas une psychose, une maladie du moule, mais une maladie du lien. Bien sur c'est déprimant d'avoir une psychose.
je ne crois pas que ce soit un symptome parce que rien alors expliquerait la croissance fulgurante du nombre de dépression. Il n'y a pas plus de psychose qu'il y en avait, mais notre mode de vie en nous coupant des autres nous rend fou... je crois.
Moukmouk > Je ne crois pas que ce soit dans ce sens là justement. Ce qui rend fou vient de plus près et profond, de plus profond qu'une histoire de lien. Et peut-être que devenir fou c'est justement commencer un certain travail de conscience et de libération, non ?
Les liens c'est un phénomène extérieur !! ça n'a rien à voir avec une maladie intérieure.. la maladie des sens, des émotions, de l'attachement, des désirs, de la peur de la mort.. blablabla etc.... rien à voir avec les liens tout ça. ; )
attention... une psychose, est une maladie neurologique bien précise, un dérèglement chimique du cerveau.. et là ni la société, le liens, ni la communication n'y peut quelque chose.. mais il ne me semble pas que c'est de cela qu'on parlait..
J'ai trouvé çà pour psychose, moi : "affection mentale caractérisée par une altération profonde de la personnalité et des fonctions intellectuelles et le fait que le sujet n'a pas conscience de son état".
Je sais que pour le trouble bipolaire, anciennement appelé maniaco dépression, la chimie du cerveau a un certain rôle et la psychose peut être un peu régulée avec des médicaments.
Il semblerait que ce soit aussi le cas pour la dépression, le facteur "chimique", mais si ça peut expliquer que les uns soient plus "perméables" que les autres, ça ne "soigne" pas.
Alors non , pas psychose...
Névrose alors ?
Rha flûtre, on devient technique ! ;o)
Sinon, il me semble que si certains basculent dans les psychoses, la société et le lien n'y sont pas forcément étrangers, mais là encore, prendre en compte un seul facteur n'est pas suffisant.
Enfin surtout, il me semble que c'est un peu rechercher des raisons bien rationnelles (forcément, c'est des raisons ) et "simples" à un phénomène bien complexe et quelque peu irrationnel.
Heureux les fêlés car ils laissent passer la lumière !
(pour moi c'est de Pierre Dacq mais d'autres semblent l'avoir aussi beaucoup utilisée)
Au fait Moukmouk, c'est quoi que tu aurais envie de faire pour aider ton amie ?
T'as une idée ?
Pour partager (et à ce propos) je suis en train de relire un petit grand livre de Martin Buber - Le Chemin de l'homme.
Trollette--) je pense avoir précisé dès la première ligne que la dépression ça se mesure par des taux de sérotonine, et de d'autres neuro-transmetteurs. Je refuse totalement qu'il y ait des trucs qui ne soient pas chimiques, parce que cela impliquerait une "ame" quelque soit le mot pour la chose. Mais ce n'est pas parce qu'on peut le mesurer que cela ne se soigne que par des médicaments.
La clé de ce que je tente de dire, c'est que si cette amie n'accepte pas de s'ouvrir un peu de constater qu'il y a de gens qui l'aime autour d'elle, il n'y a rien à faire. Si elle accepte, nous pouvons tous lui faire sentir qu'elle n'est pas seule.
je pense que ce qui se passe ici est aussi une preuve qu'elle n'est pas seule.
Je suis assez d'accord avec Bang Bang... apprendre à se connaître, à faire face à ses frayeurs, ça se fait seul... les autres peuvent être là pour qu'on puisse déverser le trop plein mais ça reste lourd pour celui qui écoute, qui doit lui même faire face à ses propres problèmes et, reconnaissons que nous n'arrivons pas toujours à entendre les conseils de ceux qui nous entourent... ou que nous n'en avons pas forcément envie... Et puis, quand ça dure longtemps, beaucoup de ceux qu'on croyait ses amis, vous laisse en plan...ok, c'est un bon moyen pour faire le tri mais ça reste douloureux... dans le malheur, on se sert les coudes mais trop de malheur renvoie à ses propres angoisses et peut faire fuir... bon, je parle toujours de ma propre expérience alors ça ne se passe peut-être pas toujours comme ça...
Le cerveau n'a pas fini de nous révéler ses secrets... je pense que dans quelques années beaucoup de croyances se veront boulversées par les nouvelles connaissances sur les neuro-transmetteurs. Notemment sur "l'âme".. c'est dommage, j'aimais bien y croire, mais c'est de moins en moins plausible. Nous ne serions donc guidés que par la chimie. ALors ça veut aussi dire qu'une simple pilule pourait remplacer l'amour ? la peur ? le plaisir ? la tristesse ? l'envie ? j'suis triste....
Le coup de foudre c'est la phényléthylamine, l'attachement c'est l'ocytocine, le plaisir c'est (entre autres) la sérotonine mais c'est totalement faux de le dire aussi. Parce que ces phénomènes ne se passent pas que dans un seul cerveau mais dans plusieurs en même temps, c'est le manque de réponses de d'autres cerveaux ( et corps) qui crée le manque, la dépression ( enfin c'est ma thèse)...
j'insiste sur le corp parce qu'il n'y a pas la tête d'un coté et le reste de l'autre, c'est une continuité.
j'affirme cela comme si je savais tout sur le cerveau, j'essaie juste de comprendre avec vous
Moukmouk > j'ai rebondi sur la remarque de nziem au sujet de la psychose... et j'ai rebondi plusieurs fois ! Et je dois dire que ton texte de départ est déjà bien loin dans ma mémoire... Tu me vois navrée si cela t'a contrarié ou blessé de quelque sorte que ce soit...
Elle le sait, qu'elle n'est pas seule, ton amie. Dans la dépression, on est surtout persuadé que personne ne peut comprendre, déjà que soit même on ne comprend pas du tout... Tu penses bien, la plupart du temps, "on a tout pour être heureux" et pourtant on ne l'est pas.. alors on se dit que c'est soi qui déconne du bulbe et on veut surtout pas embêter les gens qui ont eux, des "vrais problèmes", avec nos petites misères d'enfant gaté capricieux... et puis c'est tellement banal qu'aucun psy ne voudra d'un patient aussi peu intéressant, etc...
Un moyen, peut-être, d'entrer en communication avec ton amie : parler de tes ressentis à toi. "ça me rend triste de te voir ainsi. je déteste le sentiment d'impuissance que ça fait naître en moi. Je voudrais t'aider mais je ne sais vraiment pas comment. Aide-moi, dis-moi quoi faire. "
Qu'en penses-tu ?
Bon, si t'as déjà essayé, je t'autorise à me vilipender en place publique, voire me jeter aux autruches !
;o)
Doune > yep, chemin personnel et solitaire. Et oui, chacun est renvoyé à ses propres angoisses et à la façon qu'il a de les gérer... pas évident tout çà et certaines amitiés effectivement n'y survivent pas. Mais d'autres liens se renforcent d'autant (ne pas parler que des trains qui arrivent en retard ! ;o)
Non Trolette, non je ne suis absolument pas faché, je suis très content du débat que cela entraine, je vois plus clair dans des détails que je veux décrire... très très content.
Et puis tu M'émeu trop pour que je te jette aux autruches ( ça mord ces machin-là)
La trolette : oui j'ai lu attentivement tes rebondissements Et en ce qui concerne ta réponse à Moukmouk, je trouve très sensé ton conseil : dire "JE ressens ceci cela..." plutot que "TU devrais faire ceci cela.."
Doune : les vrais amis sont ceux qui sont toujours là, que tu ailles bien ou pas et la vraie communication c'est pouvoir dire "je ne vais pas bien" aussi bien que "je vais très bien".
Moukmouk : et si y a pas de corps.. y a pas de relation ? (par contre pour le corps sans la tête, j'ai la réponse
Nziem--) ce que je veux dire c'est que la tête fait partie du corp, quand on discute sur internet, l'état de notre digestion est importante, je ne sais pas si c'est vrai mais il me semble avoir lu quelque part qu'on a autant de neurones dans le ventre que dans la tête. Pour moi, quand j'ai faim j'ai beaucoup de difficultés à être rationel.
Je confesse n'avoir pas pris le temps de lire les commentaires plus hauts, mais lorsque tu es le maillon fort d'une famille, d'un groupe, la partie sur laquelle on peut compter, l'immuable, celui (celle) qui est toujours là, sur lequel on peut compter, il arrive un moment ou on ne peut plus faire marche arrière. La petite faille que l'on fait voir étonne, on ne correspond plus à l'image que l'on a toujours donnée jusqu'à présent. Alors on tient, encore et encore.. jusqu'au jour ou le maillon fort craque... et à ce moment là, c'est encore plus grave, encore plus fort, encore plus pénible. Plus sombre, plus profond, plus abyssal... Difficile de montrer le coté fragile
Quel débat intéressant !
Comme les filles (pour résumer), je suis d'accord avec l'idée que le chemin en soi, on ne peut le faire que soi-même.
Mais je suis très d'accord avec Moukmouk sur l'importance du lien avec les autres, les gens qui aiment vraiment. Parce que, souvent, même si on n'est pas en état de dialoguer avec eux, il y a des choses qu'ils diront et qu'on n'écoutera ou n'entendra pas, mais qui parfois font leur chemin dans notre tête et nous permettent justement d'avancer (et de pouvoir remonter).
En même temps, j'ai l'impression que ce sujet suscite des réponses très personnelles, non ?
J'ai du faire d'autres trucs, mais le débat continue à être intéressant.
Je vais attendre quelques jours, histoire de laisser cuire toutes ces bonnes idées et écrire un autre billet là-dessus. Je sens qu'il me faudra faire des nuances entre les psychoses ( certaines ont un caractère hériditaire) qui entrainent des dépressions, et la nouvelle maladie ( peut-être) que je tente de définir, qui est une maladie apparu vers 1950, et qui est une maladie que je crois social. J'essaie toujours de dire qu'avant que la personne ne sombre, si elle s'ouvre, peut-être pouvons nous faire quelque chose. Mais si elle ne s'ouvre pas, le désastre est presque certain.
Ouèp! il reste du travail...
Ton analyse, Moukmouk, me rappelle mes vieux cours de Deug en sociologie sur Durkheim et son étude sur le Suicide, qui correspondait, selon lui, (si mes vieux souvenirs sont bons) non pas comme une conséquence psychologique et individuelle mais comme une conséquence sociale, les personnes se suicidant ne faisait pas partie de "communautés" fortes.
Cependant de mon point de vue personnel et du haut de ma (jeune) expérience, je pense que la dépression est liée à un problème de construction de la personne. Si la personnalité était un mur, elle serait faite de briques, mais certaines ne sont pas de bonne qualité et même si on a pu vibre avec, il arrive un moment où on ne peut plus s'appuyer dessus... il faut donc reconstruire. Et si cette reconstruction est personnelle, la motivation pour se reconstruire c'est souvent le lien, les autres.
J'ai vu une femme s'effondrer en petits bouts... sa motivation principale pour s'en sortir, c'était ses filles, même si celles-ci lui en voulaient pour ce qu'elle avait pu faire, ou ne pas faire, qu'elles refusaient de comprendre, de la soutenir -elles étaient jeunes et souffraient aussi, ne leur jetez pas la pierre trop vite. Aujourd'hui, cette période noire est un mauvais souvenir, certains sujets resteront à jamais tabou, mais cette femme s'est reconstruite, elle aime ses filles, qui l'aiment.
Dans la vie, comprendre les autres c'est difficile, trouver les mots justes l'est encore plus... mais être juste là, ça peut être déjà beaucoup. C'est peut-être tout bêtement ça, le lien...
La dépression, vaste débat. J'en ai fait une belle il y a quelques années. On fait des claquages musculaires, on peut aussi faire des claquages psychologiques, c'est tout aussi douloureux.
C'est ça qui caractérise la dépression, la douleur.
Pas la fatigue, le trop plein ou les ras les basket qui sont plutôt des plus ou moins grandes déprimes. Et la déprime ne conduit pas forcément à la dépression.
Pour la dépression, la vraie, celle qui vous fait plonger (moi qui compense toujours mes soucis par la bouffe, d'où mes rondeurs, j'avais perdu 10 kilos en deux mois), celle qui fait que vous ne savez plus fonctionner, quand vous appuyer sur le bouton parler, c'est le mutisme qui se met en route, celle qui rend vos phrases incompréhensibles et en tout cas fort différentes de vos pensée, celle qui vous fait hurler la nuit et pleurer le jour, et serrer les dents; celle qui tord votre corps encore plus que votre cœur et vous met l'âme au bord des lèvres, et bien je trouve que face à ce maëlstrom, c'est un peu court de dire qu'il faut que tout vienne du malade. Parce que c'est le renvoyer à sa solitude, continuer de l'enfermer dans les murailles de son incommunicabilité.
J'ai été sous antidépresseur pendant quelques mois, puis j'ai fait une thérapie pendant trois ans. Mais si je n'avais pas eu des gens autour de moi pour me dire ce que je devais faire, je ne sais pas comment j'aurai fini. Il a suffi d'une personne qui était passée par la, qui m'a reconnue comme sœur de souffrance et qui a dit les bonnes paroles au moment ou il le fallait. Heureusement qu'elle n'a pas attendu que je fasse du travail sur moi.
Le travail sur soi, c'est sympa en prévention. Mais quand la dépression est là, y a plus beaucoup de travail possible parce qu'il n'y a plus beaucoup de soi.
Cela dit Moukmouk, si la personne dont tu parles a un ami comme toi, je gage qu'elle ne va pas si mal que ça
Merci d'aider à mettre des mots sur des maux... Des fois ça commence par là.