Les guerriers de la lumière: vieillir

L'age est une question toute relative. Une vieille bactérie de quelques heures s'enkyste pour durer dix millions d'années. La vieille fourmi de soixante jours et la jeune tortue de soixante ans côtoie le jeune pin de mille ans et le vieil érable de 80 ans. Comme si le temps mesurait la vie. Mourir? Non, la vie va simplement ailleurs, et ce qui reste est sans importance.

C'est le même carbone, c'est la même conscience. Ce « je » centre du monde? Est-il au moins conscient d'en faire partie? La vie est indépendante des être vivants, manifestation temporaire de la marche vers une organisation plus avancée de la vie, un mode plus subtil de conservation de l'énergie. La pourriture de l'arbre par la médiation des champignons nourrit l'arbre suivant.

Tout cela vient d'une petite phrase de Sara d'andorre, qui se promène dans un parc à Madrid: «le parc a été aménagé entre 1787 et 1839. Les arbres ont donc déjà atteint des tailles respectables. »

Pourtant des arbres de deux cents ans, c'est quand même quelque chose. Les arbres feuillus du Nord ne sont pas capables de tels exploits. Je ne sais pas si c'est le froid, où si la terre réclamant la lumière, exige que les géants meurent plus tôt. A voir les érables, on les croirait invincibles. Mais non, la façon dont les branches s'étalent pour former une canopée qui privera les autres arbres de lumière, crée une faiblesse au centre du tronc, et avant 100 ans, la pourriture s'intalle au coeur du géant et le fait éclater. Les bouleaux sont ravagés d'insectes qui les tuent avant 50ans, le peuplier faux-tremble est tellement pressé de pousser que son bois trop tendre casse au vent de l'hiver.

Il ne reste que les pins, les sapins et les épinettes. Et plus on monte vers le nord, moins les feuillus ont de chance. C'est là le royaume de l'épinette noire, têtue, malingre et méchante, aucun autre arbre ne sait la combattre. Seul le froid la tue, là-bas, là-bas, là où sont les loups et les caribous, et après les ours et les phoques et puis le grand silence glacé.

D'ici, j'entends des rumeurs de vos suds tellement vivant que c'est difficile à croire... des chênes millénaires, des oliviers tout aussi vieux, des cactus capables de vivre des dizaines d'années sans eaux. Mais pourquoi douter, ces guerriers de la lumière combattent dans des terres si différentes. Pourtant, si ce n'est pas la même chaleur, c'est la même lumière du même soleil, ce sera donc la même vie.

Ces guerriers de la lumière sont de la même lutte que moi... définir l'espace, le marquer pour que le temps n'est pas de prise sur lui.