La fin des livres suite- La spécificité humaine.

Ce n'est pas le langage qui est le propre de l'humain, mais l'écrit. Homo plus ou moins sapiens, serait un animal comme les autres s'il n'y avait réussi à développer la bibliothèque. La fin du livre, du moins sa dématérialisation entrainera à mon avis un animal nouveau. C'est mon grand espoir.

Toutes les espèces animales plus évoluées que les vers de terre, passent un savoir d'une génération à l'autre. Les chants d'oiseaux sont des acquis, transmis par les parents, les abeilles apprennent les danses qu'elles adapteront pour décrire le territoire, les épaulards vénèrent les vieilles qui gardent les chants qui décrivent les routes et qu'elles apprennent aux jeunes, les humains dessinent dans les grottes les techniques de chasse pour que les enfants sachent. Jusque-là, toutes les espèces ont des stratégies similaires pour transmettre le savoir d'une génération à l'autre.

Justement la spécifité humaine c'est que le message n'est pas volatile, ce n'est pas une odeur ou un chant, mais un dessin qui durera, que nous pourrons consulter génération après génération. Le message ne se limite plus à ce qu'une mère aussi brillante soit-elle, peut dire à son enfant l'ayant appris de sa mère et l'après l'avoir perfectionné, mais le bébé humain aura bientôt accès au savoir de milliers et puis de millions de mères et de pères, et de spécialistes dont la seule fonction est d'augmenter ce savoir. Le livre, c'est ça! Avoir accès à l'expérience des autres de notre espèce.

Bien sûr, c'est un pouvoir terrible. Tous les états, toutes les religions ont tenté de limiter ce pouvoir, d'empêcher les humains d'avoir accès à la bibliothèque, parce que le savoir, c'est le pouvoir. L'imprimé a permis le protestantisme, le « je pense donc je suis » et une course à toujours plus de savoir, pour gagner du pouvoir sur les autres. Heureusement, cette course a débouché sur L'Internet, où maintenant, presque tout le savoir, est accessible presque tout le temps à presque tout le monde. Le seul combat valable est de voir diminuer la taille de ces « presque ».

L'interface ordinateur-portable est encore bien gauche pour nous livrer instantanément tout ce savoir. J'ai assisté hier à une conversation entre une jeune Allemande et un Asiatique ( je dirais japonais mais pas sûr). Les deux parlaient à leur téléphone portable via l'oreillette, et un service de traduction probablement automatique tentait de traduire. Je dis probablement automatique, parce qu'à les voir rire, je suppose que la traduction est encore très gauche. Voilà le « Babel Fish » encore en enfance, mais déjà vivant.

Il est devenu totalement ridicule de faire perdre la moindre minute à nos enfants pour qu'ils apprennent l'orthographe, les tables de multiplication, la géographie, la chimie, la physique, etc. Nous devons tout mettre nos efforts à ce qu'ils apprennent à apprendre. Le savoir est là, directement accessible, le seul vrai problème est de le trouver dans le fatras.

Il est temps de sortir de la grotte de nos ancêtres, le savoir n'a plus à être matériellement écrit sur la pierre. Le papier semble un peu plus transportable, mais il n'y a plus de bibliothèque assez grande pour contenir le centième du savoir disponible sur l'Internet. Le livre électronique n'est qu'une interface bien temporaire. La connexion Silicone-Neurone commence, et bientôt nous aurons greffé dans le bras un accès à tout le savoir: il faut juste apprendre à survivre.