Faire le point
jeudi 19 octobre 2006, 21:37 General Lien permanent
Ouf! Quel intéressant débat! La question de la dépression touche au plus profond et les réactions sont fortes ( euphémisme). Je vois 4 thèses principales. Je vais tenter de les résumer en commentant le moins possible. Je n’ai rien à vendre ou à défendre, j’essaie de comprendre pourquoi le nombre de dépressifs augmente si rapidement. J’espère que d’autres points de vue se rajouteront, ou des compléments d’information. J’ai bien besoin de voir clair dans tout cela.
Une société de perdants. C’est la thèse que j’avance. La société libérale est extraordinairement compétitive. Et les modèles de victoire qu’on nous propose sont inatteignables. Quand je perds, je voudrais aller chercher autour de moi dans mon groupe la solidarité qui me prouverait que j’ai encore une place. Mais, comme tout ce que je semble rencontrer, ce sont des compétitifs qui, il me semble n’ont pas de temps à perdre avec un vaincu, je m’enferme sur moi-même me coupe du monde. Je peux travailler à me reconstruire autour de mon échec, cela n’empêchera pas un plus grand nombre de sombrer dans le même piège. Il faut reconstruire le monde autour de la solidarité ( ce n’est pas gagné).
Un monde sans but . Drenka défend avec vigueur ce point de vue. Dans le confort et l’indifférence de notre société où nous avons l’impression de ne pas avoir de prise sur les grands objectifs, nous n’avons plus à combattre pour notre survie et la survie de notre groupe. Il s’en suit une démobilisation, un désintérêt de la vie qui nous force dans un repli sur un soi de plus en plus petit. (Pour moi, la chimie du cerveau est un reflet de ce qui se passe à l’extérieur, mais je ne veux pas débattre de cet aspect qui m’apparaît secondaire, l’action des médicaments est importante pour sortir un dépressif de son enfermement). L’engagement sera la voie de sortie ( relire Boris Cyrulnik à ce sujet).
Une enfance détruite. L’orientation qu’apporte Freefounette ( et le docteur Miller). C’est un point de vue totalement nouveau pour moi, je ne tenterai pas de résumer, je vais faire mes devoirs en allant lire et après j’en parlerai. Étant plutôt réfractaire à la famille nucléaire, j’aurais tendance à aimer ce point de vue. Mais je n’en connais pas assez pour m’avancer. Libérons l’enfant en soi.
La construction de soi. Trollette l’explique très bien. L’Autre nous enferme dans des valeurs qui ne correspondent pas à ce que nous sommes, ou plutôt à ce que nous serons après. La dépression est la difficile confrontation au monde, qui nous permettra de comprendre dans la douleur que « je suis » enfin que je peux devenir, avec du travail, un engagement qui me conduira à moi.
Si je me suis trompé, si je rate quelque chose, corrigez-moi.
Voilà, je reviendrai dans quelques semaines après avoir tenté de comprendre. En attendant, je vais aller voir mes amis oiseaux, c’est moins compliqué.
Commentaires
heu... ché pas, ché pas et ché pas. ah non ya quatre thèses. alors pour le dernier , ché pas.
Les 4 premières analyses sont très intéressantes, bravo ça m'épate! J'aurai pas mal tendance à rejoindre le point de vue de Drenka en y réfléchissant bien.
Mais si je pense à un copain en dépression en ce moment, je crois que ce que tu avances s'appplique pas mal pour lui.
Conclusion, rien n'est noir ou blanc, il me semble que la dépression a bien des facettes! Et je laisse à tes lecteurs talentueux le soin de nous en apprendre plus (mais quelle flemmarde je fais!)
En fait, je vais faire la chieuse en disant que je crois qu'il y a du vrai dans tout ces point de view... Quand on parvient à sortir de la dépression, on est bien plus soi qu'auparavant, et c'est moâ qui vous le dit
"En attendant, je vais aller voir mes amis oiseaux, c’est moins compliqué." Attends! J'arrive!!!!!
J'ai lu le billet précédent et tes conclusions avec intérêt. Je ne sais que dire à ce sujet.. comme toi j'aimerais comprendre, mais n'ai que peu d'informations qui pourait amener à des conclusions. Il me semble juste qu'un point n'a pas été évoqué : l'inégalité devant cette maladie. Dans les mêmes conditions, il y a bien des personnes qui vont sombrer dans une dépression de d'autres pas. Alors n'y aurait-il pas, en plus de toutes les autres explications, une raison chimique du cerveau par exemple ? Enfin.. j'ai plus de questions que de réponses en fait.. alors je vais attendre quelques semaines et revenir suivre la discussion pour continuer à m'instruire.
Voui! C'est vrai, Nziem a raison! Il me semble savoir que nous sommes inégaux face à la dépression. C'est même Monsieur Cyrulnik qui l'a dit... (Une histoire de "petits porteurs" et de "gros porteurs". Rigolez pas, c'est comme ça qu'il explique la chose!)
Nziem et Rose--) bien sur chacun réagit différement à l,extérieur, ma question n'est pas comment on vit la dépression ,mais pourquoi les nombres augmentent. Rose dépèches-toi je t'attends...
TTo2--) moi non plus je ne sais pas, je pose des questions dans l'espoir d'un jour savoir.
Candy Froggie--) c'est gris la dépression y a pas de doute...
Tiens je vais t'en rajouter une cinquieme: le manque de lumiere.
Depuis que j'habite au soleil j'ai des soucis aussi, mais des coups de deprime molle et desesperee, jamais. La depression se soigne au soleil
Le débat est passionnant, en effet, et plus que tout tes efforts sont louables, Moukmouk. Mais moi, je ne me retrouve dans aucune de ces thèses... Strictement aucune. Pas même un petit cocktail des quatres... Bon, je vais faire comme toi, je vais aller saluer quelques mouettes, ce matin.
A'toska--) ha! je te comprends, moi aussi le manque de soleil m'affecte, mais pour moi, ce sont de petites déprimes, je ne peux pas qualifier cela de dépression qui est vraiment beaucoup plus douleureux.
Anita'aq--) la question est de savoir pourquoi il y a plus de gens avec des dépressions sévères, chacune des personnes a sa propre histoire, et je ne veux surtout pas dire que tous les cas sont semblables, bien au contraire. Les personnes ont des sensibilités particulières, et je refuse tout amalgamme. Je pose la question d'un point de vue sociétal, pas psychologique.
je me demande aussi à quand remonte les premiers diagnostics de la "dépression"... je crois qu'on parlait pas mal de mélancolie auparavant. Peut-être est-ce assez récent, peut-être la dépression est-elle de plus en plus répandue aussi parce qu'on arrive à mieux la diagnostiquer. Autrefois on parlait de mélancolie, de fatigue extrème, de paresse, etc, pour ce qui pouvait sans doute dans nombre de cas être des dépressions.
Je ne veux pas dire que c'est "à la mode", mais que c'est un mal dont on parle et qui est assez pris au sérieux dans notre société. La presse aussi revient très souvent sur le sujet. Ca peut jouer aussi sur le côté "phénomène", et sur le fait qu'on dénombre de plus en plus de cas.
Moukmouk,
peut-être que si les réponses que tu reçois finissent si souvent par avoir un écho psychologique, c'est qu'il n'est pas vraiment possible de mettre complètement de côté cet aspect du problème ?
Tu pourras prendre la dépression par tous les bouts possibles, tu tomberas sur de la psychologie, de l'histoire personnelle, et du vécu unique de chacun.
Parce que c'est dans l'intime que ça se joue, avant tout, comment on y "entre" et aussi comment on en "sort".