Hommage à Glen Gould
mardi 23 octobre 2007, 00:25 General Lien permanent
Mort à 50 ans, il y a vingt ans cette automne, il est important de souligner sa remarquable contribution à la musique et la pensée de l'Occident. Quelques mots et quelques liens pour mémoire.
Gould est un génie. Un génie dans le sens que son travail n'est pas une continuation réussie de ce qui se faisait avant, mais marque une rupture, montre une façon différente de non seulement interpréter des œuvres du passé, mais aussi la fin de la musique donnée en représentation, la fin du spectacle pour la confrontation de « je » avec l'œuvre.
Gould est aussi un héros. On peut considérer sa technique comme une prouesse, comme l'est la technique de nombreux virtuoses. Pourtant sa technique n'est jamais la représentation de sa personnalité de son « je » comme l'était la performance d'un Chopin, d'un Lizt, mais au contraire comme un choix, une recherche de la meilleure interprétation de l'œuvre. Ce n'est pas lui, mais l'œuvre qui est mise de l'avant.
Aussi Gould représente le but, l'objectif de la pensée Socratique, et c'est pourquoi son interprétation de Bach est aussi remarquable. Ce n'est plus la musique mais l'idée de la musique qui est recherchée. Ce n'est plus la célébration d'être ensemble, mais la célébration de l'Absolu, d'un Dieu total, objet mathématique parfait niant toute matérialité forcément imparfaite.
Bon, vous vous en doutez bien, cela représente pour moi l'Ennemi, la négation du sens et de la vie. Mais une telle grandeur dans le mensonge rationnel mérite d'être étudié, la beauté est belle même si elle est fausse.
Voici un jeu très intéressant pour jouir de cette musique:
Quelques liens: de Radio-Canada du concert en mémoire
et d'intérêt général si vous ne le connaissez pas.
Commentaires
Glenn Gould un génie, un vrai. Son interprétation de la 4e Bagatelle en B mineur de l'opus 126 de Beethoven m'a toujours sidérée. La manière dont il joue les passages fortissimo de cette bagatelle m'évoque beaucoup plus le rag-time que le style beethovénien. Et ce décalage temporel, plus le bourdonnement de sa voix qui fredonne (là il faut l'écouter au casque pour le discerner) me ravit au plus haut point. En plus il était beau gosse
Quant à ses soi-disant exentricités je trouve qu'elles faisait partie de son charme, j'aime les personnalités non-conformistes. Mais un article, déniché sur la toile suite à la lecture du présent billet, éclaire d'un jour particulier ses innocentes "manies" :
www.autismeactus.org/glen...
Quoi qu'il en soit, ça ne change rien pour moi, je suis fan de Glenn Gould.
Sur notre CD des "variations de Goldberg", je frissonne à chaque fois qu'on entend aussi les autres bruits qu'il fait... il respire, parfois il chantonne... ça le rend humain. Un humain complètement à part, dans son monde, mais un humain quand-même.
Et comme le dit Kinka, l'était loin d'être moche (sa "folie" le rendait encore plus inaccessible donc désirable) ce qui ne gâche vraiment rien.
(rha les fiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiilles!)
Je vais sans doute faire preuve d'ignorance, mais j'avoue que je ne connaissais pas Glenn Gould. Le nom me dit bien quelque chose (mais bon, je travaille chez un grossiste de disques...), mais je ne crois pas avoir un de ces disques. Pourtant j'aime beaucoup la musique classique, avec un faible pour la musique espagnole (Rodrigo notamment).
J'aime à l'infini Gould, quand ça va vraiment très mal, je me passe "ses" variations Goldberg jusqu'à me noyer dedans !
Je connaissais effectivement cette hypothèse qui fait de Glen Gould , un individu porteur du syndrome d'Asperger.
Cela ne change rien aux qualités de son interprétation, mais il serait alors difficile de lui prêter un idéal socratique, la construction du MOI des Asperger étant conditionné par des perceptions atypiques.
Anita--) bon voilà un truc à étudier, je ne connais pas du tout ce syndrome...
Anne--) moi-aussi
Sara--) j'ai presque envie de dire chanceuse, tu vas découvrir un univers
Trollette--) oui, inaccessible, il se définissait comme " le dernier puritain" et je doute qu'il ait eu une aventure amoureuse.
Kinka--) Gould joue du Gould... et Beethoven en est vraiment loin, c'est vrai que ça fait bizarre...
Bonjour l'Ours.
Ta description de Glenn Gould est exactement la raison pour laquelle je serais capable de l'écouter interpréter Bach en boucle en mode aléatoire pendant trois jours d'affilée. Je ne sais s'il est génie bon ou mauvais génie. Mais je sens qu'il y a une sorte de symbiose absolue entre Bach et lui, et que Bach n'a écrit que pour être interprété par Gould.
Cette mathématique absolue, cette musique des sphères, ce cheminement implacable sur laquelle soudain la pensée prend son envol, la pensée de l'auditeur, et se met à battre la campagne, parcourir les courants d'air et enfler les océans, personne avant Gould n'avait réussi à l'exprimer, au sens de presser pour que sorte le jus. Les plus grands clavecinistes, et les plus habiles joueurs de piano-forte, les plus sérieux des organistes et les virtuoses réunis chez Pleyel n'ont jamais touché ne serait-ce que l'idée d'une telle fusion.
Impossible en concert, impossible en public, impossible sans complice silencieux et lointain, gardien du temple, sans studio oublié au fond du Canada.
Tu redoutes cette victoire du cérébral sur l'émotion, si j'en crois ta réticence finale. S'il en est ainsi, j'aimerais te rassurer: c'est parce que le cérébral à ce point a pris le pouvoir sur les doigts de Gould, les doigts d'or, Gould's Gold fingers, que l'émotion parfaite vient à ce point nous retourner sur nous-même et nous transformer en purs esprits, en pure beauté. Et si la musique doit être ce mensonge là, j'y suis j'y reste.
Je ne dirai pas la même chose des interprétations de Beethoven. Un auteur, un médium. A chacun le sien, Beethoven avait Yves Nat le méconnu, oui je sais les autres ne sont pas mal non plus, mais Le médium était Yves, Bach a eu Gould, et devra attendre longtemps pour en retrouver un autre, s'il en trouve un.
Rêve de Moine. Monk's dream.
Encore une découverte à faire avant d'aller me coucher.. car je ne connais ! je suis tes liens... bonne soirée, car j'en ai sûrement pour un bon moment
ha mais siiiiiiiii !! je connaissais... mais j'avais pas retenu son nom.. oups !
Natilin--) je pense t'en avoir déjà parlé...
Andrem--) zut j'avais écrit une réponse qui est disparue, je recommence. Ma réticence n'est pas sur l'interprétation mais sur ce qui motive l'interprétation. Je m'oppose à la dualité, et à cette mathématique qui fait de l'idée le centre du monde, je m'oppose à :" au début était le verbe et le verbe s'est fait chair" parce que c'est l'inverse. La vie dans sa complexité, son imperfection s'oppose à la perfection de dieu. Mais dieu que ce mensonge est beau.
Que le temps passe vite !
Ou alors il faut que j'ajoute un codicille. La perfection est mensonge, j'en conviens. Le désir de perfection ne l'est pas, dès lors qu'il sait, ce désir, qu'il ne sera jamais atteint. Après tout, les grognements, les respiration, les coups de marteau sur les cordes qu'on entend derrière le doigté sont des effractions de la vraie vie dans la perfection de la musique et participent de cette beauté.
Il le sait quand il joue, et pour cette raison il est entièrement tendu vers la perfection de ses doigts, il sait que les rayures auront raison de lui tôt ou tard. Que ce soit volontaire ou conséquence d'une pathologie, son travail n'a de sens que par ce désir de perfection, sa vie n'a de sens que par cette transcendance.
Dieu n'a rien à voir dans cette affaire, ni dans aucune autre affaire d'ailleurs, et je voudrais éviter qu'on me le mette dans mes pattes de chat dès que je parle de transcendance, nous sommes tout aussi capables d'y participer sans avoir à faire appel à je ne sais qui "en el cielo".
C'est précisément le pari de la raison, ou plutôt du cérébral, de la pensée établie et voulue, de tenter une perfection inaccessible, en la sachant telle et en s'y obstinant malgré tout. La vraie vie l'emportera quoi qu'il arrive, nous le savons et nous l'acceptons, nous devons l'accepter, mais notre survie est à ce prix que la pensée, telle Sysiphe, doit s'acharner dans sa vaine conquête.
J'avais dit raison je la retire, il s'agit bien de la pensée dont la raison n'est qu'une part.