Le rêve et l'identité
lundi 22 octobre 2007, 13:20 General Lien permanent
Meerkat écrit: « Pour moi, c'est le rêve que j'aime car il est force de vie. Je suis sûre que les Indiens aiment rêver. Mais la vie qu'est-ce que c'est, je n'en sais rien. Un mirage peut-être ? Parfois, je le voudrais bien. » Voilà une question bien complexe, est-ce que les Indiens aiment rêver? Je tente une réponse. J'avais bien raison de mettre ce blog dans la liste de ceux qui me font réfléchir.
Pour la rationalité occidentale, il y a la réalité, et il y a le rêve. Prendre ses rêves pour la réalité, c'est une maladie mentale identifiable. La réalité, c'est un réseau de rapport sociaux, dont chaque « nœuds » et un individu qui est définit par ses liens aux autres. C'est dans ce sens qu'est né l'expression : « le tissus social. » Comme contrepartie et équilibre dans cette structure, la « modernité » depuis Descartes définit un « je » celui du « je pense donc je suis » qui devient le centre de la définition de la réalité. La position de ce « je » dans le tissus devient la définition de ce qui est réel, tout le reste est du rêve, de l'inutile, du délire.
Pour la post-modernité, le « je » moderne devient le seul objet de la réalité, la raison du « tissus social » le point de vue qui permet de le comprendre pour moi. La création de la vie rêvée, la vie peoplisée par les médias, devient la réalité et comme elle est totalement inaccessible, on se crée une justification, qui devient la vie. Les jeux du genre « Sim Life » avec une identité qui devient plus réelle que les autres réalité devient la thérapie à la réalité peoplisée aussi fausse que toutes les autres.
La réalité étant dans le réseau des rapports sociaux, la création du « je » crée une première rupture, qui me permet de questionner le sens de ces rapports. Le focalisation post-moderne sur « je » rend le réseau des rapports sociaux inéfficace à rendre compte de ce qui se passe pour moi dans « mon monde », ce moi et ce monde-là étant en toute logique aussi faux et délirant que le monde « people » ou celui de Sim Life.
Pour les cultures amérindiennes, la réalité n'est pas à deux dimensions comme dans le tissus social, mais à trois dimensions avec des mondes au dessus et en dessous, et chaque niveau a des relations selon certaines rêgles avec les autres niveaux. La religion monothéiste reproduisait cette idée mais comme l'autre dimension dominait totalement la dimension sociale, elle n'a jamais réussi à résoudre le problème de la liberté. Chez les amérindiens, il y a influences des niveaux entre eux mais pas d'interventions directes. Les rêves sont des outils d'influences.
Alors est-ce que les amérindiens aiment rêver? La réponse serait plutôt non, parce que les autres mondes, sont généralement peuplés de monstres et de puissances terribles et qu'il est très facile d'y perdre le sens de ce qui s'y passe et la « raison ». Mais par contre le sage, le guérisseur peut s'y risquer pour trouver la solution à un problème complexe.
Par contre, il est fréquent de voir dans le premier monde l'influence, très souvent heureuse des autres monde sur le premier, cette influence qu'on pourrait appeler « le sacré », « la magie » et qui le premier outil d'interprétation de ce qu'il y a ici et en ce moment. Le monde est, et ce qui s'y passe est généralement magique. Alors, si je veux qu'il s'y passe quelque chose, il est plus logique de faire appel à la magie que de tenter d'agir directement sur le monde. Percevoir la magie autour d'eux, oui c'est un des grands plaisirs de la vie des indiens.
Bon c'est bien compliqué ce truc-là... j'espère que j'ai été un peu éclairant...
Commentaires
très (éclairant)
haha, Moukmouk, avoue que je te fais réfléchir en posant mes grandes questions du genre : Qu'est ce que je sais? Qu'est-ce que connaitre? Qu'est ce que rêver ? Et la vie qu'est-ce que c'est...
En tout cas, là, merci, tu ouvres des pistes à ma réflexion. Parce que tu me fais toucher du doigt que, quand je dis aimer le rêve, c'est pas (seulement) le rêve les yeux grands ouverts ou l'utopie, c'est surtout la pensée magique, les failles du monde par où souffle un autre esprit, d'autres explications. J'aime croire en la présence du Petit Peuple des Lutins et autres fariboles, aux relations particulières avec les animaux... Et cette phrase "percevoir la magie autour d'eux, oui c'est un des grands plaisirs de la vie des indiens" me va droit au coeur.
J'aimerais bien réfléchir à tout ce que je mets derrière cette "magie". Et toi ?
Pour le rêve à proprement parler, je veux dire le rêve nocturne que chaque individu fait la nuit en dormant, je ne suis pas sûre d'avoir bien compris comment les Amérindiens le considérent. Je t'envoie un courriel.
Oui tu as été éclairant, et c'est intéressant de voir comment d'autres cultures réagissent sur des "évidences" qui sont loin d'être universelles.
Je ne vois pas tellement les choses comme vous, (Meerkat et toi) concernant les rapports des humains avec des créatures "d'autres mondes".
Moukmouk, tu écris : "les autres mondes, sont généralement peuplés de monstres et de puissances terribles et qu'il est très facile d'y perdre le sens de ce qui s'y passe et la « raison ». Mais par contre le sage, le guérisseur peut s'y risquer pour trouver la solution à un problème complexe."
C'est effrayant pour moi cette vision de mondes pleins de dangers dont seuls quelques "initiés" auraient les clés ! Le commun des mortels serait donc condamné à vivre dans la peur, au gré des caprices de ces créatures irrationnelles, soumis à la bonne ou mauvaise volonté des initiés...
Le rationalisme me paraît quand même, malgré ses limites, plus garant de la liberté de chacun.
(Ce que j'aime, malgré tout, dans les rêve de magie, lutins et fées, c'est qu'ils incarnent pour moi l'esprit d'enfance.)
Samantdi--) oui, tu as en grande partie raison ( mais tort aussi pour d'autres raisons qui méritent un long développement). Quand je décris ces réalités je ne veux pas les présenter comme meilleures ou la voie à suivre. Sauf que la rationalité peut exclure des réalités vues par d'autres cultures. je vais tenter d'expliquer dans un prochain billet.
Anne--) l'évidence n'est évidente que dans un contexte culturelle, l'ange gardien par exemple qui n'a plus de sens maintenant mais qui était certaine il y a 100 ans.
Kinka--) la question est trop complexe pour un commentaire, je vais y revenir aussi
Meerkat--) mais c'est toi qui a ouvert la porte...
Poutine--) content d'être compréhensible, je ne suis jamais sûr de moi quand c'est aussi compliqué.
Moi aussi, j'aime percevoir la magie qui m'entoure... Que j'aime quand tu éclaires comme cela nos lanternes...
Chaque fois que je viens ici, j'en repars émerveillée. Merci Moukmouk!