Le socio-constructivisme pour moi, billet sans danger!
mercredi 16 avril 2008, 22:35 General Lien permanent
J'allais écrire le socioconstructivisme pour les nuls, mais en l'occurrence le premier nul c'est moi. Dans le billet précédent, Saveur m'a montré du doigt et accusé de cette maladie étrange, alors je vais «gratter le bobo ».
Il y a bien des sortes de constructivismes et je ne veux pas rentrer dans les batailles de chapelles qui font rage présentement. Comme c'est d'abord une théorie épistémologique donc utile pour l'enseignement, inutile de vous dire que plusieurs de ceux qui enseignent sont prêts à mourir pour dire que leurs méthodes d'enseignement sont les bonnes. Eh oui, c'est une thèse Kantienne et la phénoménologie y a beaucoup d'importance, mais on n'entrera pas dans ce genre de complications.
En très gros, Kant nous a appris que nos sens ne nous donnent pas la vérité, pas plus que les mots. Dans mon interaction avec le monde « je » me construis une vision du monde qui a une certaine cohérence. Je reconstruis aussi continuellement l'histoire de ma vie, pour rendre cohérente mon action dans le monde. C'est essentiellement ce que fait la psychanalyse et la psychologie, m'aider à reconstruire mon histoire pour me la rendre acceptable.
Pour le socio-constructivisme (avec et sans tiret) cette construction, je ne la fais pas seul, mais avec le goupre avec lequel je suis en relation. On voit tout de suite que selon les définitions de « je » et de « groupe » il y a de la place pour écrire quelques milliers de thèses de doctorat.
Je retiens pour tout de suite, que dans la construction et la re-construction de « mon histoire », mon identité, c'est pour l'essentiel les relations que j'ai avec mon groupe qui me définiront. « Le loup boiteux » est boiteux parce que ce sont les relations avec son groupe qui le définit.
Je retiens aussi qu'il n'y a pas d'enseignement possible. Au mieux on peut montrer comment apprendre. Le « s'éduquant » apprend par la relation avec son groupe, et c'est cette relation qui définit la réalité. Le médiateur en avant de la classe a pour rôle d'identifier les blocages entre les membres du groupe qui empêchent le « s'éduquant » d'avancer dans sa démarche de prise de conscience du monde. C'est pour ça que la fonction passée et peut-être actuelle de l'école n'est pas d'enseigner, mais de sélectionner ceux qui auront accès et ceux qui n'auront pas accès. Le rôle de l'école est de construire des boiteux.
Je n'ai pas encore trouvé un livre qui me satisfait sur le rôle du langage dans cette façon de voir le monde, et pourtant je pense que c'est le coeur du problème. Si je parle à quelqu'un, les mots ne m'appartiennent pas, les mots appartiennent à « un groupe » plus ou moins large, alors je parle à un « médiateur culturel » qui traduit le message à celui qui m'écoute. C'est pourquoi il y a tant de distance entre ce que je dis et ce qu'il entend. Si vous en connaissez...
Si vous vous êtes dit : « tiens! Cet ours-là a lu Bourdieu » oui, c'est vrai. J'espère simplement que j'ai éclairci un peu le paysage.
Commentaires
Tu vas rire, pendant que tu te commettais à écrire ce bon billet, j'étais dans mon bain à lire "Apprendre... oui ! mais comment ?" de Philippe Meirieu. Et plus précisément le chapitre où il traite des représentations du processus d'apprentissage (faire émerger le savoir enfoui mais déjà là ou ajouter du savoir). Et loin de moi l'idée de t'accuser d'une maladie étrange, sauf celle de pouvoir manger deux pizzas dans le même resto le même jour pour le même repas
Saveur--) est-ce que mon début de d'approximation de résumé est bon?
Excellent, bien sûr !!!
Quand je pense...
que tu oses...
accuser de pauvres avocats innocents d'avoir un jargon incomprehensible...
apres un billet pareil...
(crie pas c'est une blague)
il te reste à écrire le livre, au moins nous on en trouvera un sur le sujet!
Ah ah mon ours, voilà un beau billet.
Mais Bourdieu me semble limité, car finalement plein de préjugés sociaux - il manque notamment de subtilité sur la façon dont chacun maitrise en fait plusieurs rôles/niveaux de langue et s'adapte (ou pas) à son milieu, le "cœur du problème" comme tu dis...
Ton interrogation finale rejoint d'ailleurs un sujet très à la mode en linguistique/pragmatique/philosophie du langage en ce moment, ce rapport d'entre la langue d'un individu et toutes les implications socio-culturelles du langage, la façon dont elles se construisent et dont on les utilise (à la suite de Grice notamment). Mais a priori, comme ça, je ne vois rien qui réponde directement à ta question.
J'arrête de faire ma savante (mais ton dernier paragraphe tombe en plein dans mon domaine de prédilection). M'enfin si des références socio-linguistiques t'intéressent, maile-moi, je peux peut-être t'aiguiller
J'avais écrit un commentaire sur un récent billet de toi, au sujet des mots. Etant homme du SUD, pour suivre tes logiques, je suis de ceux qui sont construits sur l'idée que le Verbe est au commencement, et que la chose n'existe pas tant qu'elle n'est pas nommée. Rien à voir avec la religion, hein, je suis athée bourru et assez obtu.
Je suis un peu brutal, mais je fait court donc faux. Il faudrait développer, et des pages ne suffiraient pas; mais mon commentaire a été évacué, par les mystères de la machine, et je ne reviens pas sur ce qui a disparu. Mais bon, c'est juste pour dire quels sont mes prémisses.
Je constate que la question du mot et de la chose t'agite fort ces temps-ci. Et probablement depuis longtemps. Sinon depuis toujours. Je constate que nous ne sommes pas de même avis. Il ne s'agit plus d'avis, en réalité, mais de quelque chose de bien plus profond, à cause de quoi j'ai écrit que je suis construit sur cette base du Verbe préalable. Il s'agit véritablement d'un socle.
Je te lis donc avec un intérêt d'autant plus pointu que justement, je vois se développer une approche radicalement différente, déjà à travers tout ce que tu racontes depuis deux ans que je viens ici, mais que tu exprimes en ce moment avec une énergie nouvelle. Une sorte de rajeunissement millénaire, un retour à la caverne mythique, celle du philosophe.
Même si je commente peu, sache qu'un homme du SUD pour qui le monde n'aurait même pas d'existence sans la parole de l'homme te lit et aime ce qu'il lit, et aime nos désaccords parfaits.
Aïe! Je n'ai vraiment pas tout suivi, donc effectivement tu as bien fait de ne pas écrire "le socioconstructivisme pour les nuls"... ou alors je suis une sous-nulle, c'est aussi une possibilité
Hum, hum, bon, je reviendrai relire à cerveau reposé
Sara--) allons, tu n'es certainement pas nulle. Le problème c'est que nous sommes à la frontière de la connaissance, et plusieurs chercheurs disent la même chose en employant des vocabulaires très différents. Alors on ne sait jamais si c'est du lard ou du cochon.
Andrem--) bien dommage que nous ayons perdu ce commentaire. Parfois le captcha déconne alors il faut vérifier si il a accepté notre réponse ( même exacte). Ma réelle question est comment et pourquoi les groupes, créent des boiteux. Le langage (celui des loups comme celui des humains) a certainement à voir dans ce processus.
Nanouk--) Oui: "la façon dont chacun maitrise" c'est la définition de ce "chacun" qui pose problème et qui est très différente pour Grice, Bourdieu (et moi, je suis prétentieux). Si "chacun" ou "je" est un construit social ( si l'école forme des boiteux (si la fonction de l'école est ...)) nous ne sommes plus dans la coopération, au sens de Grice.
Bey--) oui un des nombreux livres que je dois écrire...j'ai l'impression que je n'aurai pas le temps de tous les faire ( il fait trop beau aujourd'hui)
Drenka--) Je vais avoir besoin d'un avocat pour me défendre des avocats...
Et si tu enregistrais tes livres plutôt que de vouloir les écrire, tes racines d'homme de la forêt sont profondément dans l'oral. As-tu déjà essayé ? Un peu comme l'abécédaire de Deleuze...
J'aurais jamais cru que de manger deux pizzas au saumon ( tu es certain que c'était du saumon ? avec des herbes peut être ? ) en un repas engendrent autant de cogitation philosophique , sociologique . Je n'ai pas lu Bourdieu ,juste écouté de temps à autre .
Si l'école engendre des boiteux , je me suis épargnée bien du souci en faisant l'école buissonnière autant que je le pus . Comment et pourquoi le groupe crée des boiteux ? pour les dominer peut- être. Remarque tant que je vis en dehors du groupe, seul , je suis normal .
J'ai pas du tout comprendre , je reviendrai .