Thérolinguistique : le discours éducatif (reprise)
dimanche 1 février 2009, 22:17 Ecolo Lien permanent
Pour comprendre la langue de l’autre, il faut d’abord tenter de comprendre qui est l’autre. Le discours éducatif, ce qu’on dit à nos enfants, est sans doute la meilleure source de compréhension de la culture de l’autre. La prestigieuse revue « Nature » nous ouvre une porte vers la langue des plantes.
Maki le merle enseigne à son fils à entendre le ver de terre. Le colibri enseigne à ses enfants ce qu’est la fierté colibri, le panache nécessaire pour être un gros oiseau de 3 grammes. Le moqueur-chat enseigne à ses petits lors d’une infestation de chenilles qu’il faut en manger le plus possible, régurgiter et recommencer. Son rôle de prédateur est très bien compris, maintenir l’équilibre, éviter que par prolifération une espèce empêche les autres de vivre. D’accord il y a un prédateur qui a raté le tournant quand on pense à l’humain. Mais est-ce qu’une plante peut enseigner à sa descendance?
Si on se fit à cet article de Nature (http://www.nature.com/news/2006/060731/full/060731-16.html si le lien ne marche pas) à tout le moins les plantes stressées peuvent avertir la génération suivante du danger et favoriser des mutations favorables à celle-ci. Donc les plantes communiquent, je veux apprendre, je veux savoir ce que les plantes se disent.
Oui, comme tout le monde il y a certainement le Bla-bla du quotidien, il y a aussi les grandes stratégies pour affronter le monde. Existe-t-il une poésie plante? Est-ce que la beauté de la fleur, organe sexuel de la plante, ne serait pas aussi un poème à l’univers? Comme chaque amour est le recommencement du monde et c’est à cela qu’on le reconnaît.
Probablement que dans mon agitation fébrile d’animal je n’ai pas le temps d’entendre ce que les plantes se disent, je ne réussis pas à faire le calme en dedans de moi, pour sentir le message de ce qui pousse. Probablement que la plante parle en poussant, mais plus probablement elle parle en vivant, en se reproduisant, en recommençant le monde à chaque fois un peu mieux.
« Nous-mêmes, qui sommes des animaux actifs, prédateurs, nous cherchons et c’est naturel, un art de communication actif, prédateur et nous le reconnaissons dès que nous le découvrons. Mais je dois admettre que, malgré tous les progrès spectaculaires effectués par la thérolinguistique au cours de la dernière décennie, nous ne devons pas devenir esclaves de nos propres axiomes, nous devons lever les yeux vers des espaces encore plus vastes, nous devons relever le défi presque terrifiant du végétal. »
Le dernier paragraphe est d’Ursula LeGuin, j’ai peu de chance de réussir, mais voilà un défi qu’il faut relever.
Commentaires
les plantes entendent elles et comprennent-elles nos paroles ? Leur langage est-il différent selon les pays, comme celui des humains, ou parlent-elles une langue universelle ?
C'est le dialogue qui serait épatant, l'arbre et moi, les grands projets de la graine, vanité superbe de la fleur d'un jour.
oups, pas fait exprès le coup du texte en plus petit.
M= C'est corrigé, un espace mal placé
Ce que tu écris me fait penser aux systèmes de "solidarité" qui existent entre plantes ou entre animaux ou entre les deux. C'est fascinant, et ce qui ne gâte rien, c'est que cette entraide contredit le thème de la lutte et de la compétition pour la vie.

Tu connais ces champignons dont les filaments "aident" les racines des arbres à mieux s'étendre et se nourrir, les fourmis qui en faisant leur nid dans un arbre et en élevant des poux attirent certains insectes prédateurs et en débarrassent l'arbre. Enfin il y a plein d'exemples. Tu connais Jean-Marie Pelt sûrement.
(mais sinon, je me disais brrrr, pourvu que la carotte se taise quand je la coupe en rondelles !)
ta première phrase met tellement *pile* le doigt sur la vérité : si tu veux comprendre un étranger, une langue étrangère, une culture qui ne t'appartiennent pas, il FAUT en apprendre l'histoire, le "comment on en est arrivé là".
c'est pour ça que j'ai *énormément* (et c'est rien de le dire) de mal avec la notion de "bilinguisme", surtout fanfaronnée par les Québécois : quand le directeur de l'école primaire te dit qu'après 2 fois 6 mois de pseudo immersion en anglais les enfants sont "pas mal bilingues", laissez-moi rire hein, mais c'est pas demain la veille que ces enfants-là pourront aller négocier un contrat de travail ou faire une présentation de leurs recherches sur l'invasion du marché électronique par les Chinois...
apprendre une langue sans apprendre la culture qui va avec, c'est comme apprendre à conduire sans tourner la tête ni utiliser ses rétroviseurs. dangereux parce que totalement réducteur.
Dodinette: C'est qu'à l'école on instrumentalise l'autre langue, il faut parler assez la langue du patron pour lui dire qu'on l'aime, ce n'est pas nécessaire de comprendre l'autre culture.
Meerkat: Tu as bien raison j'ai écrit souvent que l'idée de compétition est absurde dans la Nature. L'entraide ne veut pas dire qu'il n'y a pas de prédation mais le prédateur est au service de sa proie et non l'inverse.
Mère Castor: ta question est très importante, je vais tenter d'y répondre aujourd'hui.
Ton article me rappelle une chose qui m'avait fascinée, et qui se passe, je crois, dans ton Nord. J'avais vu il y a quelques années un article dans le National Geopgraphic, une brève, sur une forêt (d'érables ? de bouleaux ?) qui était génétiquement constituée par un seul individu. Tous les arbres avaient le même patrimoine, ils n'étaient pas "proches", ils étaient de véritables clones. Et leurs racines étaient intimement liées.
Cela m'a fait rêver, on était dans le monde des Ents, de la forêt consciente, qui se parle. J'ai toujours eu envie d'écrire là dessus, imagines tu, un être vivant qui fait des dizaines de kilomètres carrés ? C'est même au delà des phénomènes de solidarité dont parle Merkaat.
Je suis assez païenne, je suis persuadée que les plantes communiquent, entre elles, et qu'elles nous perçoivent. Après c'est à nous à ouvrir nos oreilles...