À la défense de l'école

C'est vraiment le sujet de l'heure dans les blogues québécois. Il y a de l'intimidation et de la violence entre les élèves, dans les écoles. Est-ce nouveau? Est différent? Comment contrer la violence? Ma contribution au débat.


D'excellents billets ont été écrit sur le sujet, mais celui du Prof masqué et celui de Sekhmet  m'ont particulièrement touché. J'ai vécu assez longtemps pour savoir que la société Québécoise est beaucoup moins violente qu'il y a 40 ans, et que ce que je comprends de mes recherches plus on recule dans le passé plus la société était violente. C'est que les enfants naissent violents et que notre société encadre et transforme cette violence dans une grande tentative pour qu'elle soit moins nuisible pour les autres. Ceux qui ont déjà eu à contrôler des enfants de de 18 à 30 mois savent que les enfants sont pervers, violents, menteurs, égoïstes et ne vivent que pour la satisfaction immédiate de leurs désirs. Ils frappent, mordent, crient, provoquent et bousculent pour atteindre leurs objectifs et c'est une immense tâche de réussir à en faire des êtres capables de fonctionner en société à trois ans. Les parents sont des héros, ils réussissent presque toujours (en bonne partie).


Quand on attaque l'école, on parle généralement de l'immense dégât qu'est le décrochage scolaire, le fait que bien des enfants quittent l'école avant la fin du secondaire. Les statistiques qu'on donne sont des plus contestables, mais si on compte ceux qui retournent à l'école, le taux serait entre 15 et 22% selon les études sérieuses que je connais. Entre nous, c'est déjà une grosse réussite parce qu'en 1970, c'était 40% et 1960 c'était 70% des jeunes qui ne finissaient pas un cours secondaire (11 ou 12 ans de scolarité selon les pays).


Oui, c'est maintenant plus difficile d'enseigner, d'encadrer une classe, parce que les enseignants ne peuvent plus aussi facilement éliminer les enfants qui ont des problèmes sociaux, des problèmes d'attention, des difficultés intellectuelles, bref ceux qui ont besoin de l'école pour apprendre. Ceux qui n'ont pas de problèmes apprendraient sans doute plus rapidement si on ne les enfermait pas dans des salles qui puent, qui manquent d'air, de livres et matériels intéressants, à s'emmerder à faire et refaire toujours les mêmes exercices. Mais je pense que ceux qui me lisent, refusent de retourner à une école qui sélectionne et élimine.


Oui, il y a de la violence et de l'intimidation à l'école. Il y en a parce que les enfants sont violents (heureusement de moins en moins en vieillissant) et que les enfants sont en groupes. On pourrait subdiviser longtemps, mais en très gros, il y a trois formes de violence à l'école: la première, les deux petits coqs qui s'affrontent, c'est la plus courante, la plus simple à gérer et celle qui ne laisse que peu de traces. La deuxième, ceux qui pratique l'extorsion, la brutalité et qui tient de la domination du plus grand, plus fort sur les petits, cela prend des enseignants particulièrement habiles pour voir et bloquer ces actions qui frisent souvent l'activité criminelle. La troisième, la pire, le rejet du groupe contre un individu. C'est celle qui laissera le plus de traces parce que souvent l'enfant construira sa personnalité en opposition à ce groupe qui le martyrise et il s'enfermera pour de longues années dans ce rôle de rejeté.


Ce que j'ai vu des groupes d'animaux, les loups par exemple,  mais je pourrais parler de presque tous les animaux qui vivent en groupe, me laisse penser que le fait de rejeter un individu en périphérie du groupe est une mécanique qui contribue à structurer le groupe, et qu'à cause de cela, l'enseignant participe à la construction du rejeté. C'est pour cela que c'est la forme de violence la plus difficile à contrer.


Que le petit se fasse taper dessus a toujours été acceptable chez les humains, mais maintenant cela l'est heureusement de moins en moins. Les écoles créent des équipes d'enfants capables de faire de la conciliation. Les enseignants surveillent de mieux en mieux l'extorsion et l'intimidation.


Il reste l'immense problème des enfants rejetés, problème pour lequel je n'ai pas de solutions. Mais nous ne trouverons pas de solutions tant que le phénomène ne sera pas étudié non pas à partir d'une perspective morale ou de bienséance, mais à partir de l'étude de la structuration des groupes.