Une grosse question
lundi 30 mars 2009, 21:40 General Lien permanent
La dictature de la mode m'inquiète. Je ne comprends pas la mécanique de la conformité dans la représentation de soi.
J'ai lu quelque part : voilée en Afghanistan, épilée en occident... en franchement cette phrase me chicote. Qu'une fille s'épile, se teigne les cheveux, porte un fichu sur la tête, se fasse couper le petit orteil pour porter des souliers pointus, c'est son corps et je n'ai pas mon mot à dire là-dessus. Je suis par contre très opposé au voile musulman parce que ce sont des personnes qui imposent une norme à une femme dans le clair but de la dominer, de lui ôter son droit à être un être humain comme les autres.
J'ai parlé récemment de la dictature de la minceur et si j'y reviens c'est que je ne trouve pas de réponses à mon questionnement. Parce que la vraie question est : où s'arrête un très légitime désir de se sentir bien dans sa peau et belle (beau) parce que le monde a besoin de beauté et où commence la soumission à des normes sociales qui empêche de se sentir bien.
Pour moi, de vouloir imposer de porter le voile à une femme c'est un crime et un crime grave. Aussi un homme qui voudrait imposer à une fille de s'épiler commet le même crime. La maigreur actuellement imposée aux filles comme la nécessité de s'épiler, je me demande si ce n'est pas devenu une nouvelle façon de rendre les femmes esclaves. Esclaves d'une norme comme le voile islamique est une norme.
Vivre à dix kilos du bonheur, ça peut devenir un esclavage quand ne pas être mince est un manque de contrôle. Ça ne suffit pas de dire qu'en Afghanistan une femme qui ne se voile pas risque la mort. Une femme en occident peut vivre l'exclusion parce qu'elle ne se sent correspondre à une norme pas vraiment affirmée comme loi, mais qui est vécue de la même façon.
Je ne veux pas faire porter tout le poids de cette question aux individus. La différence n'est pas entre la fille qui s'épile parce qu'elle est fière de montrer ses belles jambes contre la folle qui se sent malheureuse de s'épiler, mais qui le doit parce que ça ne se fait pas de sortir poilue. Il y a des périodes où la pression sociale sur les femmes pour correspondre à une convention esthétique est plus grande, et c'est contre cette pression que j'en ai.
Je pense que nous sommes dans une période où la contrainte à la conformité est particulièrement lourde. Est-ce que je me trompe?
Commentaires
"Aussi un homme qui voudrait imposer à une fille de s'épiler commet le même crime."
Ce que tu dis me parle. Il y a peu, un monsieur m'a fait une remarque sur ma pilosité car je refuse de m'épiler ce qu'on appelle pudiquement "le maillot" (comme si on pouvait épiler un maillot, ou alors un maillot d'ours ?).
Le monsieur l'a fait en termes très peu aimables. J'ai envoyé paître le monsieur mais j'en ai été très blessée. D'autant plus que je sens bien que je ne suis pas "dans la norme".
La pression normative sur les femmes est très forte et s'apparente effectivement à mes yeux à une dictature.
le corset autrefois extérieur (et terriblement asservissant) est maintenant dans la tête des gens. Plus difficile de décider de l'enlever et de le brûler pour symboliser son affranchissement.
Je dis des gens parce que dans nos pays dits civilisés, on voit fleurir la presse masculine du même acabit que la presse féminine... j'ai connu des hommes prêts à mettre leur santé en danger pour ressembler à l'idéal masculin.
L'égalité des sexes, oui, pour les droits, les salaires, les protections, les devoirs aussi (jamais oublier de faire ses devoirs! Huhu!). Mais par pitié, gardons nos spécificité génériques et nos personnalités dans leur grande variété et complexité!
Et puis aussi, arrêtons d'écouter les messages débiles supposés de "santé publique" Faisons-nous confiance et mangeons à notre faim et avec plaisir ce qui nous fait envie.
Depuis que je fais çà (je suis une rescapée des régimes à deux doigts -hem- d'avoir sombré dans la boulimie) je n'ai peut-être pas perdu de poids, mais je n'en ai pas pris non plus et qu'est-ce que j'ai gagné en joie de vivre et en souplesse de caractère!
Biz mon GroNours!
Quand j'entends parler ma mère de ses années de jeune fille, je n'ai pas tellement l'impression que les contraintes soient plus fortes. Différentes, oui, sans doute, mais pas plus fortes au contraire.
Une femme ne doit pas… qu'est-ce que je l'ai entendu dans sa bouche. Et tout le monde devait s'habiller de la même manière, se comporter de la même manière sous peine d'exclusion sociale...
Akynou--) tu as peut-être raison, la contrainte a simplement changé de forme?
Dodinette--) oui se faire confiance, mon plaidoyer c'est pour la liberté, pour se faire confiance et s'habiller à son goût, quelque soit ses goûts.
Jenny --) s'il commence par le maillot on voit vite que ce sera le chador psychologique dans quelques mois. Tu as bien fait de l'envoyer paître.
Qui se soucie de savoir si une femme de 70 ans s'épile ou non ? Les impératifs faits aux femmes (ici) me semblent surtout renvoyer à la période de sexualité "active".
La pression de la conformité c'est un (faux) rempart contre l'insécurité, l'insécurité sociale, l'insécurité intérieure sans doute pas mal aussi. L'idéal, masculin ou féminin, constitue la plus sure manière de ne pas s'aimer, de n'être pas soi, de vivre en se projetant sans cesse dans un futur où on s'imagine enfin parfait et de passer à cote de la joie de l'instant, la vie entière.
J'avais commencé à frôler le sujet ici.
Malheureusement, nous jouons le jeu, nous aussi. En nous épilant, en nous trouvant trop grosses, en voulant être plus ceci, moins cela... et même sans tomber (loin s'en faut), dans des attitudes de victimes de la mode et du consensus.
Saveur > c'est qu'une femme n'est plus une femme à partir du moment où elle ne peut plus se reproduire. un homme lui ne perd jamais officiellement son statut d'homme.
Si une femme ne faisait tout cela que pour plaire aux hommes, cela fait longtemps qu'elles en feraient moins.
A-t-on déja vu un homme remarquer que sa compagne a pris 500g?
La maîtrise, réelle ou symbolique de la sexualité féminine, c'est une grande occupation de toutes les sociétés, et cela passe beaucoup de femme à femme. Le voile, ce n'est pas qu'une histoire d'emprise des hommes, c'est aussi, énormément, une entreprise de maîtrise par les mères.
C'est vrai que le regard des filles entre elles est parfois terrifiant. Au point que je me demande si les femmes ne vivent pas toujours SOUS le regard.
(Me demande aussi si cela n'a pas à voir avec la forme spécifique de la triangulation oedipienne chez les filles, dont la mère est à la fois l'objet d'amour premier et l'obstacle qui se dresse devant l'objet de désir secondaire).
Il y a aussi sur un autre plan, la capacité de nos sociétés à mettre en scène des obsessions en miroir, l'exploitation et la charité, la consommation et la maîtrise, le culte de l'individu et l'entreprise de mise aux normes...
Ce qui est terrible avec ces normes, c'est que beaucoup d'entre elles sont implicites: on ne le dit pas, mais on en pense pas moins... et le regard qu'on porte sur ceux (et celles) qui sont hors-norme est parfois cruel.
Bismarck-) Oui, le premier intérêt que je porte à ces normes c'est qu'il me semble que ce soit un beau moule pour donner forme au groupe social autour de celles qui les subissent.
Anita--) je ne pense pas insinuer que les filles se font belles pour les garçons. Le voile et la norme sont imposée par le groupe oui. Par contre la relation fille-mère est un aspect que je n'avais pas considéré et je pense que c'est très important. Par contre, je pense que ces normes sont constitutive de la société ( la norme est sociale, et le social est aussi norme) et que les obsessions en miroir (joli terme) de notre société ne fait que mettre en évidence les contradictions qui sont en train de faire éclater cette insoutenable mode de vie.
Poutine--) je ne pense pas que "sexualité active" veuille dire reproduction. En fin de vie les liens sociaux deviennent de plus en plus difficile et l'échange sexuel n'est plus désiré pas seulement à cause des hormones mais parce que l'autre brise les murs trop rapprochés autour de soi. Et c'est vrai pour tous les sexes je pense.
Saveur--) oui la norme a pour but premier de contenir la créativité pour empêcher que ça menace la survie immédiate du groupe. Sauf qu'avec nos durée de vie, cette norme devient rapidement inutile. La fidélité du couple est utile (dans les sociétés où le clan a perdu de son importance) pour assurer l'élevage des enfants. Mais avec nos longues durées de vie cela devient un contre-sens.
Anne--) Très bien ton texte. Sauf qu'il est bien difficile de comparer la vie des femmes dans le clan qui la protégeait du pouvoir des hommes, clan qui créait un pouvoir politique au moins égal sinon supérieur à celui des hommes.
Les femmes des sociétés claniques avaient beaucoup moins d'enfants et une durée de vie beaucoup plus longue que celles des sociétés non-claniques.
Le concept de paternité est relativement récent. Une femme devient enceinte par le miracle de la nature et parce qu'elle est heureuse. Ça n'a rien à voir avec qui elle passe la nuit.
Il y a aussi ces foutus miroirs. Et le regard des gens.
je me suis mal exprimée, oui la norme est sociale et culturelle, et se transmet de mère en fille parce que c'est plus facile à transmettre que l'amour, que la fidélité à soi même, que la joie. Parce que cela demande apparemment un courage extraordinaire de ne pas reproduire ce qu'on nous a inculqué, fait intérioriser (ou dans le cas des mères d'autoriser l'autre, son enfant, à mettre aux orties nos principes et nos valeurs) et que les miroirs et le regard des autres nous rappellent en permanence.
Intéressante note, et intéressants commentaires... il reste encore un long chemin à parcourir.