La fin des ours polaires (suite)

je l'ai dit souvent, mais des scientifiques l'ont mesuré.

L'ours polaire est un animal trop spécialisé. Il est très bien adapté à la chasse aux phoques sur la banquise. Trop bien adapté, il ne peut que difficilement trouver sa pitance ailleurs. Plus de banquise, c'est la disette, l'amaigrissement qui détruit sa protection au froid, et là-haut, c'est mortel.

J'ai aussi écrit sur le long jeûne des ourses gravides, qui passent plus de six mois dans une tanière et nourrissent quand même leurs petits. On comprend qu'elles ont besoin de fantastiques réserves pour passer à travers une pareille épreuve. On comprend aussi qu'à la sortie de la tanière fin mars, elles ont faim, très très faim. Il faut donc qu'elles reconstituent la réserve et avril et mai avant que la banquise disparaisse, et que le jeûne de l'été ne commence alors qu'elles nourrissent toujours leurs deux petits.

Des scientifiques de l'Université d'Alberta sous la direction d'Andrew Derocher, ont mesuré l'impact de la réduction de la banquise sur la reproduction de l'ours polaire. Selon le modèle qu'ils ont développé, si la banquise disparaît un mois plus tôt qu'en 1990, entre 40 et 73% des ourses ne pourront pas mener leurs grossesses à terme. Durant les deux dernières années, ils ont pu mesurer la valeur de leur modèle, la glace étant partie cinq semaines plutôt qu'avant le réchauffement climatique. De plus, avec l'hiver très chaud que connait l'Arctique de l'Est, il est pratiquement certain que cette année aussi, la banquise partira début mai, plutôt que début juin.

Si une ourse est trop maigre, elle n'accepte pas l'accouplement. Et même fécondée, elle avortera si la chasse d'automne ne donne pas une chance raisonnable à la survie des petits. Le renouvellement des populations est insuffisant pour assurer la survie de l'espèce.

Il est trop tard pour Ursus Maritimus, le climat est trop transformé pour assurer sa survie. Il faut simplement se poser la question : « est-il trop tard pour les humains ? »