la mort de l'Ours, une reprise encore.
lundi 18 juin 2018, 00:56 Lien permanent
Beaucoup d'animaux choisissent de mourir. Cette notion qui implique libre arbitre et pensée rationnelle est en contradiction avec le rôle de "ressources" que les humains voudraient donner à la nature.
Ursus americanus, l’ours noir, des forêts d’Amérique, est bien connu pour son intelligence, son habileté, sa grande vitesse et sa force. Il a les pattes très agiles lui permettant d’ouvrir un pot ou une fenêtre par exemple. C’est le seigneur de la forêt, il n’a pas de prédateur, sauf l’homme évidemment, qui tue pour rien.
Ce dont je suis le plus jaloux, ce sont ses magnifiques lèvres, incomparablement plus agiles que celles de l’Ursus maritimus, mêmes encore plus agiles que celles des humains, qui lui permettent de cueillir des framboises et des fraises des champs, et bien sûr ô exploit, de faire des bisous. Pour des ours, ils sont plutôt petits. Autour de 70 kilos pour les femelles et 150 kilos pour les mâles, mais ces derniers sont fréquemment sujets à l’obésité, on a vu des ours de 250 kilos. Pour tous les animaux, la question de la mort se pose. Tôt ou tard, la douleur devient trop intense, la poursuite de la route devient difficile, et il faut retourner dans le cycle de la vie. Le lièvre est plus rapide que le renard, le chevreuil plus fort que le coyote, pourtant il y a encore des renards et des coyotes. Dans les grands troupeaux de caribous, l’animal qui sera rejoint par les loups, est celui qui aura ralenti, qui aura accepté de se sacrifier pour que le troupeau continue.
« Il faut être bête comme l’homme l’est si souvent pour dire des choses aussi bêtes » ( Prévert) que j’ai tué un animal. Non, l’animal se sacrifie pour que la vie continue. C’est pourquoi les chasseurs de la forêt remercient avec humilité la bête qui a fait le sacrifice de sa vie. C’est vrai que les armes modernes avec des lunettes d’approche n’ont rien à voir avec la chasse à l’arc ou à la lance. Mais c’est un autre problème.
L’ours noir n’a pas de prédateur. Il lui est difficile de mourir et comme il a un régime alimentaire sucré ( les fruits et le miel bien sûr, ce n’est pas un mythe) il a mal aux dents. Dans mes nombreuses marches en forêt, il n’est pas rare de voir sur des branches d’arbres durs, comme l’érable ou le bouleau jaune, des traces de dents d’ours, qui mordent pour calmer la douleur.
Les vieux ours noirs ont mal aux dents, et ça les rend grognon, on peut les comprendre. Malheureusement, il n’y a pas de dentistes pour les ours. Ils sont sujets aussi à des rhumatismes très douloureux.
Il m’est arrivé deux ou trois fois de voir des restes d’ours noirs relativement récents. Bien sûr rien ne se perd et il ne restait que les os, mais ils n’étaient pas blanchis, donc n’avaient pas passé l’hiver. C’était au pied d’un bouleau cassé. Quand on pousse fort sur le pied d’un bouleau un peu pourri, il casse et l’arbre revient sur nous, c’est très dangereux.
Les Inuit ont des rituels complexes pour honorer celui qui ne peut plus suivre la route et doit s’endormir sur la glace. Serait-il nécessaire de s’en souvenir?