Il faut parfois le dire :
jeudi 28 septembre 2006, 22:20 General Lien permanent
J’avais une belle petite histoire où je tombe à l’eau, mais non plutôt je me jette à l’eau, l’autre billet attendra à demain. Le problème : qu’est-ce que la civilisation.
Nziem, à son habitude, nous fait un compte-rendu de ses lectures. Cette fois-ci, c’est le roman d’une jeune russe qui s’installe dans une tribu d’Inuit tchouktche. Oui oui les Tchouktches sont des Inuit. Exactement le même peuple qui a traversé le détroit de Béring en passant par la banquise, et qui a déplacé un autre peuple qui vivait là, les Dorsets. Cela s’est passé il y moins de 1000 ans.
Le roman raconte aussi « qu’en 1949, les envoyés de Staline persécutent les nomades et s'emploient à ce que la Tchoukotka devienne une région de collectivisation totale. » le premier commentaire du billet est très clair : c’est de l’anticommunisme primaire. Comme s’il n’y avait que les communistes qui agissaient comme cela.
Non ce qui s’est passé là-bas s’est passé partout. C’est la civilisation en marche. Les Russes, forts du droit, du savoir, de la religion, et de la technologie ont décidé de sortir les Inuit de leur misère, et au nom du progrès ils ont organisé le territoire.
Au Canada, on s’est servi de l’éducation. La police a eu mandat d’enlever les enfants amérindiens et Inuit pour les « instruire » dans les pensionnats autochtones. Dans ces pensionnats, des prêtres et des religieux, forts du droit, du savoir et de la religion, ont appris aux enfants de la forêt qu’on ne parlait pas la langue des sous-hommes, et qu’il y avait qu’un seul dieu, le dieu des blancs. Battus et violés jusqu’à ce que cesse toute opposition, le Canada si généreux a voulu civiliser ces sauvages qui ne participaient pas à la société. De plus ils occupaient d’immenses territoires, dont le progrès a besoin.
Bien sûr, je parle d’un temps très lointain, on agit plus comme ça maintenant. Le dernier pensionnat a été fermé en 1990. Maintenant on les enferme dans des réserves pour les empêcher d’utiliser les ressources de leurs territoires et on les nourrit au fast-food en espérant qu’ils meurent de diabète faute de mourir de désœuvrement et de désespoir. Les deux tiers des réserves n’ont même pas d’eau potable. Mais bien sûr, c’est pour leur bien, c’est pour leur donner l’éducation moderne et des services de santé efficaces. La civilisation quoi.
Il n’y aura jamais de bons sauvages. Il y a ceux qui s’intègrent et qui n’en sont plus, et les autres, ces criminels, ces alcooliques, ces fainéants qui refusent les bienfaits de la civilisation, et qui nuisent au développement.
Ce qui m’étonne le plus c’est qu’ils réussissent à survivre. C’est vrai qu’ils survivent depuis plus de 10 000 ans sur leurs territoires, ils réussiront bien à survivre à la civilisation.
Commentaires
Oui.
Mais ils ne survivront que si l'on échange des mots, avec eux, autour d'eux,entre nous, pour nous et pour eux.
Merci de le faire ici.
J'ai reçu votre courrier et répondu sous le fil de conversation de Nziem! Vous avez pris mes propos au premier degré, ce qui n'est pas le cas!
Bonne soirée
Je comprends ta réaction.. parceque tout ça, ça n'existe pas que dans les romans, dans les livres d'histoire, ou sur des pages internet. C'est du vécu, du concret, du réel.. et comme tu le dis : pas si vieux !!! Le dernier pensionnat fermait en 1990 !!?? sans compter les réserves qui existent encore bien entendu. C'est dingue comme ça peut être aussi proche de nous, (géographiquement et historiquement) et pourtant sembler aussi invraissemblable. Ou alors le travail est bien fait pour que l'information que ne cirucle pas.. ou alors on se protège derrière une sorte de déni ?
Heureusement qu'il y a des personnes comme toi, Moukmouk, qui nous le rappelle, qui nous parle.. c'est la survie.
c'est un magnifique billet que celui-ci moukmouk, comme tu sais si bien les tourner. et il invite à la réflexion, comme toujours !
l'éducation... vaste sujet.
en france aussi, l'éducation a servi au même genre de choses. il y a même un ministère pour, et les débats sont suffisamment houleux autour de lui ou à son sujet pour que je n'aie pas besoin d'entrer dans les détails.
le problème est toujours le même : il faut "fitter dans le moule". celui-ci est pavé de bonnes intention (comme l'enfer...), se veut pensé et réfléchi pour correspondre à une majorité la plus large possible (ce qui est généralement le cas).
mais forcément, il y a les minorités que ce moule ne prend pas en compte, que dis-je, dont il se fiche éperdument : ceux d'une autre culture, d'une autre langue, les *différents* (handicapés ou "retardés" de tout poil), et puis ceux qui ne sont ni étrangers, ni "empêchés", mais qui tout simplement ne fittent pas dedans. les réfractaires...
tous ceux-là se font écraser, c'est comme ça et ça l'a toujours été. je ne crois pas qu'il faille espérer que le moule s'élargisse ou s'assouplisse, ça me semble un doux rêve : il faudrait plutôt espérer qu'il y ait une quantité grandissante de moules *un peu plus* petits. on peut tous arriver à faire des choses étonnantes, pourvu que les moyens qu'on nous donne pour y parvenir nous conviennent. si X arrive à comprendre sans explications les nébuleuses démonstrations du prof, alors que Y n'y arrive qu'avec les explications claires et détaillées, ça ne veut pas dire que Y est con : c'est seulement qu'il fonctionne autrement. (histoire vécue)
ça me fait penser à tous ces Bretons (et tous les autres !) qu'on a forcés à parler français à la "Communale". le breton... c'était la langue des sous-hommes, des péquenots, tout dialecte était indigne d'un citoyen français. tout comme le port des sabots au lieu de souliers de cuir. toutes les brimades dans les cours d'école, dans les classes... on n'imagine pas.
le français était vu tellement comme *LA* langue, que les mutins bretons du Chemin des Dames en 1917 n'ont rien compris au jugement qui les condamnait au peloton d'exécution : ils ne parlaient que breton, et personne n'a pris la peine de leur traduire les propos de la cour martiale. (même s'ils devaient s'en douter)
tout ça revient à quoi ?
la langue = le pouvoir
d'où la maîtrise du langage = l'intégration dans son environnement immédiat = la maîtrise de cet environnement (de sa propre vie)... mais selon les critères du pouvoir.
qui ne sont pas forcément ceux de tout le monde...
Dodinette--) merci, je partage tout à fait ton point de vue. La langue française a justement été crée par Français premier pour imposer le pouvoir central sur les régions, et permettre la colonisation. Le Canada a probablement été le premier endroit où cette langue a été effectivement parlée. Ce qui est rarement dit aussi, c,est que la première fonction de l'école, n'est pas d'enseigner, mais de reproduire la société, de séparer ceux qui seront les patrons de ceux qui seront les employés et de ceux qui seront les exclus.