Le désastre de Chiloé

Une ile à plus de mille kilomètres au sud de Santiago du Chili vit une crise écologique gigantesque, conséquence de la production industrielle de nourriture.

L'ile de Chiloé a longtemps été protégée du développement industriel et le territoire est encore un paradis de biodiversités avec plus de 400 variétés de pommes de terre cultivées et des animaux uniques parce que l'environnement est unique. Mais la plus grande richesse de ce territoire est dans l'océan. Le courant froid d'Humboldt frappe l'ile faisant remonter les sels minéraux et provoquant des éclosions de plancton, la base de la chaine alimentaire dans l'océan.

La région maritime de Chiloé ne représente que 1% de la surface des océans, mais produit le quart de tout le poisson pêché dans le monde. C'est un peu la même machine qui produisait la nourriture des Grands Bancs de Terre-Neuve avant qu'ils ne soient ravagés par la surpêche, et sur une beaucoup plus petite échelle, ce qui se passe à la tête du chenal Laurentien dans le golfe Saint-Laurent et qui atire les baleines jusqu'à Tadoussac.

Profitant de cette manne le groupe Norvégien Marine Harvest (entre autres) installe dans les années 80 quelques fermes piscicoles pour l'élevage du saumon. Comme la rentabilité est très forte, les fermes se multiplient jusqu'à ce que Chiloé devienne sur un petit espace le deuxième producteur mondial de saumon. On a produit en 2007 1,4 millions de tonnes de saumon. Il se passera ce qui se passe partout où l'agriculture intensive frappe, le désastre.

En 2007, apparaît un virus dans les fermes. Plutôt que de réduire la production, on utilisera massivement des antibiotiques. 385 tonnes en 2007, six cents fois plus qu'en Norvège pour une production de même taille. Une pareille bêtise a détruit l'économie de l'ile et pollué une des zones les plus importantes au monde pour la production de nourriture. 60% de la population au chômage, c'est grave, mais la destruction des fonds marins, c'est pire parce que ça condamne les habitants pour des générations.

Le problème n'est pas la pisciculture, c'est la pisciculture industrielle. Élever deux ou trois cochons, c'est une excellente façon de recycler les déchets. Élever 3000 cochons, c'est la meilleure façon de faire un désert. Même chose pour le maïs, les oignons, les pommes de terre.

Comme le pourtour de l'Ile de Chiloé est maintenant trop pollué, on déplace les fermes dans des iles plus au sud sans changer les méthodes de production. Il faut donc s'attendre à ce que cela provoque les mêmes résultats. Le Chili a promulgué des lois, mais depuis quand une multinationale se préoccupe-t-elle des lois quand les lois ne les avantagent pas ?

La conclusion logique pourrait être un appel à boycotter les saumons d'élevages. Pourtant, il y a plusieurs producteurs qui respectent des règles écologiques élémentaires. Oui vérifions où et comment ce que nous mangeons, est produit. Mais les coûts de la production responsable de la nourriture sont tellement plus élevés que la plupart des gens devrons se rabattre sur une agriculture qui détruit notre petite Planète.