Petit retour sur L'école
jeudi 18 mars 2010, 15:01 General Lien permanent
Des lectures récentes, et surtout un article de La Presse, me ramènent à la question des objectifs de l'école.
Jusqu'à la fin du vingtième siècle, la première fonction de l'école était de déterminer ceux qui auraient droit au pouvoir et ceux qui se retrouveraient à l'usine. Le but de l'école était de sélectionner une élite. L'école n'avait pas besoin d'être excellente, les enfants des classes dirigeantes avaient chez eux, les outils pour se démarquer et devenir meilleurs que la moyenne. Ne pas oublier qu'au Québec en 1960, le taux de ce qu'on appelle aujourd'hui le décrochage scolaire était de l'ordre de 80%.
Et puis la transformation économique fait que maintenant, nous avons besoin d'ouvriers qui savent lire, de techniciens capables de calculer, lire un plan. C'est pour cela qu'il a fallu rehausser le niveau de l'école et tenter de scolariser ceux qu'avant on expulsait. C'est dans ce contexte que l'OCDE a mis en place les fameux test PISA pour mesurer non pas si le système scolaire d'un pays produit plus de doctorants ou de prix Nobel, mais le niveau de compétence en lecture, compréhension, mathématique pour les jeunes de 15 ans.
Ce n'est pas trop étonnant que le Canada ( et particulièrement le Québec, « l'effet garderie ») que ce retrouve dans les positions de tête, les principes d'égalité des chances et de démocratie sont très valorisés ici. Ce n'est pas trop étonnant que les USA se retrouvent en queue de peloton avec son système d'écoles privées hyper-élitistes et une école publique laissée à l'abandon.
Je vous conseille fortement ce petit film (surtout les 5 premières minutes) de Christian Baudelot, qui explique très bien les termes du débat, et pourquoi l'école républicaine française se retrouve dans la moyenne.
La ministre de l'Éducation du Québec insiste sur le retour des examens, des notes comparatives, de la valorisation de l'effort. Bien sûr, il est très important que l'enseignant puisse mesurer et connaître les lacunes dans les compétences acquises (ou pas) des élèves. Mais des milliers et des milliers d'études l'ont démontré, le premier résultat des examens est d'exclure de l'école les élèves qui ont des difficultés. L'échec scolaire, la dévalorisation, et l'abandon, voilà le vrai résultat des examens comparatifs. Alors quand la ministre Courchesne parle de ramener les examens pour favoriser la persévérance scolaire, il y a comme ne contradiction.
Si on se fie à l'exemple de la Finlande qui brille en première place des systèmes scolaires, les enseignants d'ici ont d'abord besoin d'être entourés de spécialistes pour aider les enfants qui ont de grandes difficultés. On veut scolariser le plus grand nombre d'enfants, mais l'enseignant se retrouve devant le choix tragique de délaisser les enfants à problèmes ou de délaisser les enfants les meilleurs. La solution n'est pas d'extraire les enfants à problèmes des classes mais de donner à l'enseignant le support dont il a besoin.
Commentaires
Ah tu me rappelles mes années d'études élitistes en invitant Baudelot et Establet sur ton blog. Je trouve aussi cette vidéo très bonne, merci du partage.
Au delà du pisa, ce qui me frappe aussi sur l'éphémèrité des débats sur les résultats, c'est que c'est vrai pour à peu près tout. Le taux de rotation des films en salle, le taux de rotation des têtes de gondole des magasins, les collections en série limitée, les articles de presse. Comme si durer devenait indécent, impossible ou insoutenable...
à regarder absolument, ça dure environ 20 minutes comme toutes les conférences TED, mais c'est BRILLANT :
http://www.ted.com/talks/lang/eng/k...
(j'en ai peut-être déjà parlé, je ne sais pas, mais à chaque fois que je le revois, de loin en loin, je suis toujours aussi soufflée)
Très bon billet Moukmouk !
Excellent résumé du rôle social de l'école. Je le retiens comme référence sur le sujet.
Merci !
Il faut supprimer tout esprit de compétition à l’école. Le moteur de notre société occidentale est la compétition, et c’est un moteur suicidaire. Il ne faut plus apprendre pour et à être le premier. Albert Jacquard , un humain à l'état pur
Merci pour cet article qui va enormement me servir.
Un constat désolant que je vérifie chaque jour dans mon travail en tant qu'éducatrice.....pas évident de maintenir les jeunes que j'accompagne dans le milieu scolaire "normal" !!
Grain de sel--) on dit des enfants qui se sauvent de l'école, qu'ils vont à l'école de la vie... je propose qu'on ramène la vie à l'école.
Israel--) pourtant je n'ai pas l'impression d'avoir inventer la roue, heureux de te voir ici.
Marianne--) apprendre n'est certainement pas une question de compétition.
Paumier--) merci, il faut parfois répéter les évidences.
Dodinette--) merci pour le bon film. Oui nous en avons déjà parlé je crois, mais ce n,est pas une raison pour recommencer. On répète si souvent des choses moches, qu'il faut en répéter des belles aussi.
Saveur(s)--0 il faudrait peut-être revenir aux rôles des médias d'information: montrer pour cacher.
Pourrais-tu développer sur ce que tu appelles "l'effet garderies" ? Pas sûre de bien comprendre...
Pour moi et la toute petite expérience que j'en ai, la grosse différence entre l'école à la française et celle à la québécoise c'est qu'ici on n'apprend pas à assimiler des connaissance, mais plutôt à développer des compétences.
Ça fait très novlangue et jargon administratif comme ça, mais en réalité c'est bien ce qui se passe : dès la maternelle, on apprend (tâche d'apprendre) aux enfants à trouver du plaisir dans ce qu'ils font. Alors c'est sûr que le ptit doué de la classe va s'ennuyer plus vite, et que le ptit criss fond de classe fenêtre-radiateur sera toujours aussi difficile à repêcher, mais il n'empêche que les marges des 2 extrêmités sont moins larges.
L'école à la française est une excellente école de culture générale, mais elle fabrique beaucoup de freaks - des asociaux dégoûtés de tout ce qui a trait à l'intellect, ou des cerveaux qui ne fonctionnent pas très bien en groupe, etc. J'ai la naïveté de croire que l'école à la québécoise, avec tout ce qu'on peut lui reprocher, essaie bien plus d'inclure que de sélectionner.
Dodinette--) nous avons à peu près la même vision. Les enseignants surtout du primaire ici ne sont pas supportés par des experts pour les cas problèmes c'est ce qui rend le travail si difficile, mais nous sommes dans la bonne voie.
L'effet garderie, c'est la façon dont les pédagogues du reste du Canada nomment les bien meilleurs résultats des petits élèves du Québec. Les garderies à 7$ serait un milieu qui favorise le développement pré-scolaire.
Ça ne veut pas dire que c'est gagné, juste que c'est un peu mieux.