Moukmouk, notre bel ours de Pohénégamouk, nous a quittés il y a quelques jours. Mais comme c'était un ours particulièrement intelligent, il avait choisi de nous demander, à Noé et moi, si nous voulions bien retaper son vieux blog qui fonctionnait mal. Et c'est ainsi qu'il est désormais hébergé chez nous.
Mi-septembre, Moukmouk m'avait demandé si j'étais d'accord pour le garder en ligne un mois ou deux, quand il ne serait plus là. Je crois qu'on va faire mieux. Je crois qu'on va garder ce blog en ligne pour tout le temps qu'il nous sera possible de le faire.
Ca fait presque 20 ans qu'on avait fait connaissance. Moukmouk écrivait à toute une bande de blogueurs et blogueuses pour nous demander si on voulait qu'il nous raconte des histoires. Une fois la surprise passée, on a été nombreux(ses) à dire oui. Et elles étaient tellement formidables, ses histoires, qu'on lui a suggéré (lourdement et répétitivement), d'ouvrir le sien, de blog. Il a résisté autant qu'il a pu, mais a fini par nous écouter. Et c'est tant mieux parce qu'en plus de son souvenir, on gardera ses mots longtemps avec nous, à défaut de pouvoir le serrer à nouveau dans nos bras.
J'ai rarement rencontré quelqu'un qui touchait autant les gens et je suis très fière d'avoir été son amie, pendant presque deux décennies.
Il en avait une autre, de grande amie, qui a eu la lourde tâche d'annoncer son décès. Merci Mouette Moqueuse. On s'est parlé un peu et elle a accepté en un éclair l'idée de vous partager un peu de son amitié avec Moukmouk. Voici ses mots à elle. Et vous pourrez bien sûr laisser les vôtres en commentaire.
Sacrip'Anne
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Moukmouk
Qui aurait cru que sur ces réseaux sociaux tant décriés, on pouvait faire une aussi belle rencontre ?
C’est pourtant bien sur Twitter, que moi, la mouette marseillaise, j’ai rencontré notre ours québécois.
Tout de suite, comme beaucoup d’autres, j’ai été séduite par ses jolies histoires d’animaux, de père Noël, pleines de poésie et de sagesse. Et puis, j’étais attirée par son pays dont il parlait si bien depuis sa petite maison de Pohénégamook, avec ses lacs, ses forêts, ses grands espaces et la neige dès le mois d’octobre, un pays si différent du mien, moi qui vis au soleil des bords de la Méditerranée.*
Alors, un jour, j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai traversé l’océan pour le rencontrer. Et immédiatement, nous nous sommes bien entendus.
Pourtant, la maladie avait déjà commencé à l’affaiblir et il marchait de plus en plus difficilement. Mais, je louais une voiture et nous partions visiter Québec ou voir les baleines à Tadoussac. Nous avons même fait, une année, une virée mémorable en Gaspésie. Je l’ai aussi emmenée revoir les terres de ses ancêtres malécites à Cacouna, admirer la cascade à Rivière du Loup ou l’envol des oies sauvages au bord du fleuve Saint-Laurent.
Mais ce qu’il préférait par-dessus tout, c’était s’installer face à sa baie vitrée et contempler inlassablement son lac dont les couleurs changeaient sans cesse tout au long de la journée pendant que je courais les bois, découvrais les sentiers alentours, rencontrais un sculpteur improbable ou explorais une base de loisirs désertée.
Le soir venu, il allumait un feu dans sa cheminée, nous nous installions chacun dans un fauteuil et nous discutions pendant des heures de tout et de rien.
Il me racontait sa vie, peu ordinaire, son enfance en révolte contre l’institution religieuse où on l’avait scolarisé et qui n’avait pas réussi à faire entrer dans le moule, le petit sauvage qu’il était alors. Plus tard, il n’avait pas voulu être professeur à l’université et contre l’avis de sa famille, il était parti filmer les ours blancs et les oiseaux du grand Nord canadien. Pour son métier, il avait voyagé aux quatre coins du globe.
Sa vie sentimentale aussi avait été mouvementé : un mariage, un divorce, un autre mariage qui avait échoué aussi. Quand je l’ai rencontré, il sortait d’une
rupture douloureuse qui l’avait beaucoup éprouvé. Il me parlait aussi souvent de ses enfants et petits-enfants qui vivaient loin de lui, au Japon, à Toronto et Vancouver. Il regrettait de ne pas les voir plus souvent.
Maintenant, il n’est plus là. J’ai perdu un ami, c’est un grand vide pour moi. De plus, comme je n’ai pas pu me rendre au Québec cette année, je n’ai pas pu véritablement lui dire au revoir. Ce sera un de mes plus grands regrets...
Mais il me reste les souvenirs de tous ces moments partagés, de toutes ces belles histoires qu’il m’a racontée, et des flamboyantes couleurs de l’automne au coucher du soleil sur le lac de Pohénégamook.
Mouette Moqueuse
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